CHAPITRE 1
Astrae et Chazuro étaient deux guerriers des armées de Brâkmar, rentrés le même jour au service de Rushu. Ils avaient fait leurs classes ensemble et s'étaient vite liés d'amitié. Le côté exacerbé et bavard de Chaz' contrastait avec le calme d'Astrae et c'est justement ce qui faisait qu'ils s'entendaient bien. Ils se complétaient et pouvaient compter l'un sur l'autre dans n'importe quelle situation.
Ce jour-là, ils avaient été envoyés en patrouille à Gisgoul pour suivre les mouvements des troupes bontariennes.
« Allez, va encore falloir se farcir toutes ces marches...! soupira Chaz'.
-Petite nature ! Tu veux pas que je te porte... comme l'autre fois ? dit Astrae d'un air narquois.
-L'autre fois, c'était pas pareil ! Et je préfèrerais qu'on évite d'en reparler !» Ils se regardèrent un instant et éclatèrent de rire. Ils continuèrent ainsi à plaisanter tout en poursuivant leur ascension...
...Arrivés en haut de la Tour, ils commençaient à souffler un peu quand tout-à-coup, sentant une présence, ils se retournèrent et tombèrent nez-à-nez avec un loup blanc. Cela n'était pas la première chose qu'ils s'attendaient à rencontrer ici et l'animal profita de leur stupeur pour prendre la fuite.
« Qu'est-ce qu'on fait ? On le suit ?
-Un peu qu'on le suit ! On va pas le laisser rôder dans la Tour ! »
Une folle course-poursuite s'en suivit alors. Le loup leur faisait prendre mille et un détours et ils se demandaient bien où ils allaient pouvoir atterrir ! Ils crurent l'attraper à un moment mais c'était comme si l'étrange animal s'était évaporé à leur contact pour réapparaître plus loin.
« Tu as vu ça ?! s'étonna Chazuro. Il s'est comme...
-Rooh mais non, il s'est faufilé, c'est tout. Allez viens, dépêche-toi ou on va le perdre ! » répondit Astrae en reprenant sa course... et se retrouvant face-à-face avec un supérieur...
« Que faites-vous, soldats, à courir comme ça dans cette direction ? Vous ne devriez pas plutôt aller dans le sens opposé hmm ? Vous êtes en repérage, alors à votre poste ! gronda le chef brâkmarien.
« Oui, tout de suite ! Nous y allons de ce pas » acquiesca le Iop, contrit. Ils attendirent qu'il passe son chemin en les toisant du regard, d'un air suspicieux...
« C'est fichu, on l'a perdu maintenant ! soupira Chaz'.
-Non, regarde là ! Il me semble avoir vu quelque chose bouger !
-Tu plaisantes ! Il aurait fallut qu'il nous attende, vu le temps qu'on a perdu...
-Rooh arrête de parler et viens ! Vite ! »
Ils continuèrent leur traque et finirent par rattraper ce drôle de fuyard.
« On va l'avoir !
-J'ai une idée : prend à droite ! ordonna Astrae.
-Hmm oui, je crois que j'ai compris... » répondit son ami, un sourire en coin.
Ils avaient talonné le loup jusque dans les oubliettes de l'immense bâtiment, oubliettes qui n'avaient que 2 entrées possibles.... Astrae vit une traînée blanche pénétrer par celle de gauche et renter dans une cellule, vers laquelle il se précipita.
« Coincé ! » dit Chaz' surgissant à côté de lui par l'autre issue. Le Iop lança furtivement un regard à son compagnon et ils déboulèrent dans la pièce. Rien, aucune trace, le loup n'y était plus...comme volatilisé.
« C'est impossible ! Je l'ai vu rentrer, il n'y a aucune issue possible ! » ragea le Sacrieur faisant frénétiquement le tour de la cellule.
C'est alors que leurs regards furent attirés par des mots gravés à même la roche sur l'un des murs...
« Drôle d'histoire, commenta Astrae après avoir relu ce récit gravé dans la pierre.
Etrange en effet, cela paraît tellement vrai qu'on a presque envie d'y croire, répondit Chazuro, mais comment peut-on être assez fou pour oser défier le grand Rushu ?
Ah ça, je n'en sais rien, ce pouvoir est peut-être vraiment immense...allez viens, continuons notre patrouille. »
Un mois plus tard, Astrae et Chaz' furent envoyés avec trois compagnons en mission au Village des Brigandins. En traversant les plaines de Cania, Chazuro remarqua qu'un loup blanc les suivait en gardant ses distances.
« Astrae ! Regarde ! Un loup blanc...on dirait le même que celui de Gisgoul.
Tu rêves Chaz', un loup c'est un loup ! Comment veux-tu que ce soit le même ?
Je repense souvent aux Frozens Tears et à l'histoire des émotions du monde, j'ai envie d'en savoir plus.
Arrête ! Tu vas nous faire repérer ! D'abord le loup, puis les Frozen Tears : tu hallucines mon vieux, comme le pauvre bougre qui a écrit ça sur le mur de sa cellule. Encore un Racontar Prétentieux qui s'est pris pour un poète. »
Chazuro, vexé, se mura dans un profond silence tout le long du trajet, mais ne quitta pas du coin de l'œil ce loup qui, depuis maintenant trois jours, les accompagnait. Il aurait pu jurer que c'était cette même lueur étrange qu'il avait aperçu dans le regard de l'animal la fois précédente et qui lui donnait une drôle d'impression qu'il n'avait pas su définir. Pourquoi Astrae refusait-il de le croire ? Etait-ce la différence de grade qui commençait à fissurer leur confiance mutuelle ? La petite troupe brâkmarienne arriva sur leur lieu d'intervention. Le but de leur mission était de tendre un piège à trois hauts gradés bontariens au moment de leur débarquement. Astrae désigna à chacun son poste. Chazuro suivit à contre-cœur les indications : il aurait préféré être à l'abri d'un feuillage plutôt qu'au milieu de serpentins, tapi derrière ce buisson...Ces vicieuses petites bestioles lui avaient laissé un cuisant souvenir par le passé...Essayant de se concentrer sur ses instructions, il fit le point dans sa tête sur les événements à venir... Etre attentif au moindre mouvement dans le ciel... Dès qu'ils arrivent, je lance le signal et on leur fait leur fête à ces bontariens... Ne t'approche pas de moi, sale petite vermine rampante !... Des hauts gradés, ce ne sera pas les premiers que j'affronterai, ça devrait aller... Et c'est ainsi que l'attente commença.
Au bout d'une heure, les cinq démons étaient toujours en place. Le ciel s'assombrissait de plus en plus, les nuages formant d'énormes volutes d'un gris menaçant, et la chaleur devenait étouffante, un orage se préparait en cette fin d'été. Chazuro leva le regard et sentant les premières gouttes de pluie sur son visage, aperçut au loin le ballon brigandin qui amorçait sa descente. Il avertit immédiatement ses compagnons et se prépara au combat. Il dégaina alors son épée et s'entailla le bras : comme tout bon Sacrieur, il avait besoin de souffrir pour être efficace. Près de lui, Astrae frémit. Depuis qu'il connaissait Chaz', il ne s'était jamais habitué à cette débauche de souffrance et de douleur. A leurs côtés, l'Eniripsa, l'Osamodas et le Xélor étaient eux aussi prêts à bondir sur les voyageurs bontariens. A l'affût du moindre geste de leur ennemi, les sens en alerte, en cette seconde, ils ne marchaient plus qu'à l'instinct, ce subtil mélange de rage envers leurs adversaires et de crainte de se faire tuer bouillant dans leurs veines. Astrae était fier de ses compagnons, des guerriers loyaux et féroces comme l'on n'en rencontrait pas souvent.
Tout d'un coup, sur le chemin en contre-bas, des bruits de troupe retentirent. Bonta avait dépêché un bataillon pour escorter les trois hauts gradés en lieu sûr.
« Quelle merde, comment on fait nous ?? A cinq contre trois, la mission était relativement simple, mais contre quinze bontariens dont trois auréoles, ça devient impossible, marmonna le Xélor.
Cesse donc de te plaindre, Swatchy ! On doit neutraliser les trois principaux, les autres on s'en occupe pas. Concentrons-nous sur l'objectif, rien que sur l'objectif ! gronda l'Osa.
Drago a raison : on fonce ! Préparez-vous », ordonna Astrae.
La pluie devenait plus insistante, le ballon se posa et l'équipage sauta prestement au sol pour amarrer l'aéronef. Leurs pieds eurent à peine le temps de frôler le sol qu'Astrae lança le signal de l'attaque. Les cinq démons jaillirent de leur cachette en hurlant, foncèrent vers le ballon...et s'arrêtèrent net, pris au dépourvu par ce qu'ils voyaient. Le grand Iop ne comprit que trop tard la réaction de ses compagnons : tout cela n'était qu'un piège ! Une garnison entière de Bontariens débarquait et il n'y avait aucune trace des trois hauts gradés...
Il était trop tard pour reculer. Une fois l'assaut lancé, impossible de s'échapper ! Les bontariens, avaient immédiatement fait volte-face et paraient déjà les coups de marteaux de Swatchy et Drago. L'effet de surprise avait été nul, tout se passait à l'envers, mais malgré tout Astrae bondit en première ligne et commença à décimer les rangs ennemis. C'est de ma faute, c'est moi qui les ai conduit dans ce traquenard, à moi de les en sortir...Il transperça de part en part le corps de son adversaire avec une fureur inimaginable... Comment j'ai pu me faire avoir comme ça ?.... Il esquiva de justesse, une pointe de flèche entaillant légèrement son flanc. Il eût à peine le temps de repérer au loin l'archer ennemi qu'une Harcelante fendait déjà les airs en sa direction et l'atteignit de plein fouet. Il chercha alors les siens du regard, espérant qu'ils arriveraient à s'en sortir...
Du côté bontarien, les troupes s'organisaient, les enis en retrait psalmodiaient leurs formules soignantes et revitalisaient les guerriers touchés par Chazuro et ses amis.
« Raah c'est pas vrai ! Ils guérissent à vue d'oeil ! pesta Swatchy.
-A ta gauche !!! » cria Chaz'. Le Xélor tourna la tête juste à temps pour voir une hache s'abattre sur lui. Il était trop tard et il se préparait à prendre le coup....mais rien ne vint. Il s'aperçut alors que Chaz' avait pris sa place au dernier moment. La lame incisa profondément le torse du Sacri qui, jetant un coup d'oeil à sa blessure, releva lentement la tête, une lueur étrange mêlant rage et satisfaction dans le regard. Il la connaissait très bien cette hache. Et la Pandalette qui la maniait, encore mieux.
« Sénécia ! Toujours contrariée, on dirait ? »
Sentant ses forces se décupler, il s'élança sur elle... et reçut son souffle alcoolisé en pleine figure, le forçant à reculer.
« Contrariée ? Non. Juste envie de te pulvériser : la routine quoi ! » dit-elle en faisant de nouveau siffler sa lame étincelante dans les airs. Chaz' contra avec son épée et prit le dessus sur son adversaire déchaînée. Le sang qui coulait de sa poitrine le stimulait et se battre contre Sénécia avait ce goût de défi dont il raffolait.
« Bon ben je vous laisse batifoler hein ! Cette grosse touffe verte pleine de ronces est en train d'assommer Drago » dit Swatchy en s'élançant en direction de l'Osa.
Le Sacri profita de ce bref moment de distraction pour asséner un violent coup de pied dans le ventre de la Pandalette, la projetant au sol.
« Oh Séné...tu te laisses faire, là !
-Minable petit sacrieur ! » dit-elle en se relevant prestement et fonçant sur lui.
Un éclair de satisfaction transparut sur son visage lorsqu'elle vit qu'elle l'avait atteint au bras.
« Touché ! Mais... j'en ai un deuxième, hé hé !, dit-il en basculant son épée dans sa main gauche et fendant les airs à quelques millimètres de son adversaire. Il jouait les fanfarons pour la distraire et ne pas lui accorder le plaisir de le voir souffrir mais sa blessure au bras n'avait rien de comparable à celle qu'il s'était faite lui-même auparavant. La hache de Sénécia, il le savait, avait une sorte de double effet et faisait de sérieux dégâts tout en soignant son porteur. Ce qui avait d'abord renforcé sa vigueur était maintenant en train de l'affaiblir lentement et Acinra était introuvable. Il fallait en finir...
De son côté, Astrae était toujours aux prises avec le Crâ.
« Acinra !!!! » hurla-t-il, la douleur provoquée par ses blessures se faisant de plus en plus vive. Mais l'énie, devant également se défendre des attaques bontariennes, avait du mal à tenir ses compagnons d'arme en vie. A peine avait-elle le temps de dire un Mot, qu'elle se faisait assaillir.
« Tant pis, va falloir se débrouiller seul ! », se murmura le Iop à lui-même.
Des nuages menaçants commencèrent alors à s'amasser au-dessus du Crâ, devenant de plus en plus noirs au fur et à mesure que la puissance d'Astrae montait. L'archer banda son arc. La flèche et la foudre explosèrent à l'unisson, provoquant un éclair aveuglant de part et d'autre des deux camps.
Chaz' secoua la tête pour chasser la multitude de petites étoiles qui dansaient devant ses yeux. Quand il les rouvrit, Sénécia qu'il tenait en joue quelques secondes plus tôt, avait disparu ! Il jeta un regard alentours d'un air pensif... Mais qu'est-ce que...Il savait qu'elle aurait eu au moins cent fois le temps de le tuer en profitant de sa désorientation passagère. Où était-elle passée ? Les affrontements avaient repris de plus belle et il dût remettre ses interrogations à plus tard.
La bataille durait depuis un bon moment maintenant. La furie des Brâkmariens permettait d'équilibrer ce combat inégal, quand un élément inattendu vint tout faire basculer. Chazuro, aux prises avec deux Ecaflip, entendit un hurlement. Acinra s'écroula sur le sol, une dague plantée dans le dos. Une sramette était apparue de nulle part pour l'assassiner. Le combat bascula irrémédiablement. Notre Sacrieur résistait du mieux possible, Drago et Swatchy succombèrent ensemble sous les coups de bâton du grand Sadida. Chazuro cherchait Astrae du regard et le trouva enfin sur sa droite combattant avec toute l'habileté et la dignité d'un Iop. Au moment où il allait le rejoindre pour unir leurs forces dans un dernier espoir, un Ecaflip lui asséna un coup sur la tête. Sa vision sombra...
Astrae et Chazuro étaient deux guerriers des armées de Brâkmar, rentrés le même jour au service de Rushu. Ils avaient fait leurs classes ensemble et s'étaient vite liés d'amitié. Le côté exacerbé et bavard de Chaz' contrastait avec le calme d'Astrae et c'est justement ce qui faisait qu'ils s'entendaient bien. Ils se complétaient et pouvaient compter l'un sur l'autre dans n'importe quelle situation.
Ce jour-là, ils avaient été envoyés en patrouille à Gisgoul pour suivre les mouvements des troupes bontariennes.
« Allez, va encore falloir se farcir toutes ces marches...! soupira Chaz'.
-Petite nature ! Tu veux pas que je te porte... comme l'autre fois ? dit Astrae d'un air narquois.
-L'autre fois, c'était pas pareil ! Et je préfèrerais qu'on évite d'en reparler !» Ils se regardèrent un instant et éclatèrent de rire. Ils continuèrent ainsi à plaisanter tout en poursuivant leur ascension...
...Arrivés en haut de la Tour, ils commençaient à souffler un peu quand tout-à-coup, sentant une présence, ils se retournèrent et tombèrent nez-à-nez avec un loup blanc. Cela n'était pas la première chose qu'ils s'attendaient à rencontrer ici et l'animal profita de leur stupeur pour prendre la fuite.
« Qu'est-ce qu'on fait ? On le suit ?
-Un peu qu'on le suit ! On va pas le laisser rôder dans la Tour ! »
Une folle course-poursuite s'en suivit alors. Le loup leur faisait prendre mille et un détours et ils se demandaient bien où ils allaient pouvoir atterrir ! Ils crurent l'attraper à un moment mais c'était comme si l'étrange animal s'était évaporé à leur contact pour réapparaître plus loin.
« Tu as vu ça ?! s'étonna Chazuro. Il s'est comme...
-Rooh mais non, il s'est faufilé, c'est tout. Allez viens, dépêche-toi ou on va le perdre ! » répondit Astrae en reprenant sa course... et se retrouvant face-à-face avec un supérieur...
« Que faites-vous, soldats, à courir comme ça dans cette direction ? Vous ne devriez pas plutôt aller dans le sens opposé hmm ? Vous êtes en repérage, alors à votre poste ! gronda le chef brâkmarien.
« Oui, tout de suite ! Nous y allons de ce pas » acquiesca le Iop, contrit. Ils attendirent qu'il passe son chemin en les toisant du regard, d'un air suspicieux...
« C'est fichu, on l'a perdu maintenant ! soupira Chaz'.
-Non, regarde là ! Il me semble avoir vu quelque chose bouger !
-Tu plaisantes ! Il aurait fallut qu'il nous attende, vu le temps qu'on a perdu...
-Rooh arrête de parler et viens ! Vite ! »
Ils continuèrent leur traque et finirent par rattraper ce drôle de fuyard.
« On va l'avoir !
-J'ai une idée : prend à droite ! ordonna Astrae.
-Hmm oui, je crois que j'ai compris... » répondit son ami, un sourire en coin.
Ils avaient talonné le loup jusque dans les oubliettes de l'immense bâtiment, oubliettes qui n'avaient que 2 entrées possibles.... Astrae vit une traînée blanche pénétrer par celle de gauche et renter dans une cellule, vers laquelle il se précipita.
« Coincé ! » dit Chaz' surgissant à côté de lui par l'autre issue. Le Iop lança furtivement un regard à son compagnon et ils déboulèrent dans la pièce. Rien, aucune trace, le loup n'y était plus...comme volatilisé.
« C'est impossible ! Je l'ai vu rentrer, il n'y a aucune issue possible ! » ragea le Sacrieur faisant frénétiquement le tour de la cellule.
C'est alors que leurs regards furent attirés par des mots gravés à même la roche sur l'un des murs...
« Drôle d'histoire, commenta Astrae après avoir relu ce récit gravé dans la pierre.
Etrange en effet, cela paraît tellement vrai qu'on a presque envie d'y croire, répondit Chazuro, mais comment peut-on être assez fou pour oser défier le grand Rushu ?
Ah ça, je n'en sais rien, ce pouvoir est peut-être vraiment immense...allez viens, continuons notre patrouille. »
Un mois plus tard, Astrae et Chaz' furent envoyés avec trois compagnons en mission au Village des Brigandins. En traversant les plaines de Cania, Chazuro remarqua qu'un loup blanc les suivait en gardant ses distances.
« Astrae ! Regarde ! Un loup blanc...on dirait le même que celui de Gisgoul.
Tu rêves Chaz', un loup c'est un loup ! Comment veux-tu que ce soit le même ?
Je repense souvent aux Frozens Tears et à l'histoire des émotions du monde, j'ai envie d'en savoir plus.
Arrête ! Tu vas nous faire repérer ! D'abord le loup, puis les Frozen Tears : tu hallucines mon vieux, comme le pauvre bougre qui a écrit ça sur le mur de sa cellule. Encore un Racontar Prétentieux qui s'est pris pour un poète. »
Chazuro, vexé, se mura dans un profond silence tout le long du trajet, mais ne quitta pas du coin de l'œil ce loup qui, depuis maintenant trois jours, les accompagnait. Il aurait pu jurer que c'était cette même lueur étrange qu'il avait aperçu dans le regard de l'animal la fois précédente et qui lui donnait une drôle d'impression qu'il n'avait pas su définir. Pourquoi Astrae refusait-il de le croire ? Etait-ce la différence de grade qui commençait à fissurer leur confiance mutuelle ? La petite troupe brâkmarienne arriva sur leur lieu d'intervention. Le but de leur mission était de tendre un piège à trois hauts gradés bontariens au moment de leur débarquement. Astrae désigna à chacun son poste. Chazuro suivit à contre-cœur les indications : il aurait préféré être à l'abri d'un feuillage plutôt qu'au milieu de serpentins, tapi derrière ce buisson...Ces vicieuses petites bestioles lui avaient laissé un cuisant souvenir par le passé...Essayant de se concentrer sur ses instructions, il fit le point dans sa tête sur les événements à venir... Etre attentif au moindre mouvement dans le ciel... Dès qu'ils arrivent, je lance le signal et on leur fait leur fête à ces bontariens... Ne t'approche pas de moi, sale petite vermine rampante !... Des hauts gradés, ce ne sera pas les premiers que j'affronterai, ça devrait aller... Et c'est ainsi que l'attente commença.
Au bout d'une heure, les cinq démons étaient toujours en place. Le ciel s'assombrissait de plus en plus, les nuages formant d'énormes volutes d'un gris menaçant, et la chaleur devenait étouffante, un orage se préparait en cette fin d'été. Chazuro leva le regard et sentant les premières gouttes de pluie sur son visage, aperçut au loin le ballon brigandin qui amorçait sa descente. Il avertit immédiatement ses compagnons et se prépara au combat. Il dégaina alors son épée et s'entailla le bras : comme tout bon Sacrieur, il avait besoin de souffrir pour être efficace. Près de lui, Astrae frémit. Depuis qu'il connaissait Chaz', il ne s'était jamais habitué à cette débauche de souffrance et de douleur. A leurs côtés, l'Eniripsa, l'Osamodas et le Xélor étaient eux aussi prêts à bondir sur les voyageurs bontariens. A l'affût du moindre geste de leur ennemi, les sens en alerte, en cette seconde, ils ne marchaient plus qu'à l'instinct, ce subtil mélange de rage envers leurs adversaires et de crainte de se faire tuer bouillant dans leurs veines. Astrae était fier de ses compagnons, des guerriers loyaux et féroces comme l'on n'en rencontrait pas souvent.
Tout d'un coup, sur le chemin en contre-bas, des bruits de troupe retentirent. Bonta avait dépêché un bataillon pour escorter les trois hauts gradés en lieu sûr.
« Quelle merde, comment on fait nous ?? A cinq contre trois, la mission était relativement simple, mais contre quinze bontariens dont trois auréoles, ça devient impossible, marmonna le Xélor.
Cesse donc de te plaindre, Swatchy ! On doit neutraliser les trois principaux, les autres on s'en occupe pas. Concentrons-nous sur l'objectif, rien que sur l'objectif ! gronda l'Osa.
Drago a raison : on fonce ! Préparez-vous », ordonna Astrae.
La pluie devenait plus insistante, le ballon se posa et l'équipage sauta prestement au sol pour amarrer l'aéronef. Leurs pieds eurent à peine le temps de frôler le sol qu'Astrae lança le signal de l'attaque. Les cinq démons jaillirent de leur cachette en hurlant, foncèrent vers le ballon...et s'arrêtèrent net, pris au dépourvu par ce qu'ils voyaient. Le grand Iop ne comprit que trop tard la réaction de ses compagnons : tout cela n'était qu'un piège ! Une garnison entière de Bontariens débarquait et il n'y avait aucune trace des trois hauts gradés...
Il était trop tard pour reculer. Une fois l'assaut lancé, impossible de s'échapper ! Les bontariens, avaient immédiatement fait volte-face et paraient déjà les coups de marteaux de Swatchy et Drago. L'effet de surprise avait été nul, tout se passait à l'envers, mais malgré tout Astrae bondit en première ligne et commença à décimer les rangs ennemis. C'est de ma faute, c'est moi qui les ai conduit dans ce traquenard, à moi de les en sortir...Il transperça de part en part le corps de son adversaire avec une fureur inimaginable... Comment j'ai pu me faire avoir comme ça ?.... Il esquiva de justesse, une pointe de flèche entaillant légèrement son flanc. Il eût à peine le temps de repérer au loin l'archer ennemi qu'une Harcelante fendait déjà les airs en sa direction et l'atteignit de plein fouet. Il chercha alors les siens du regard, espérant qu'ils arriveraient à s'en sortir...
Du côté bontarien, les troupes s'organisaient, les enis en retrait psalmodiaient leurs formules soignantes et revitalisaient les guerriers touchés par Chazuro et ses amis.
« Raah c'est pas vrai ! Ils guérissent à vue d'oeil ! pesta Swatchy.
-A ta gauche !!! » cria Chaz'. Le Xélor tourna la tête juste à temps pour voir une hache s'abattre sur lui. Il était trop tard et il se préparait à prendre le coup....mais rien ne vint. Il s'aperçut alors que Chaz' avait pris sa place au dernier moment. La lame incisa profondément le torse du Sacri qui, jetant un coup d'oeil à sa blessure, releva lentement la tête, une lueur étrange mêlant rage et satisfaction dans le regard. Il la connaissait très bien cette hache. Et la Pandalette qui la maniait, encore mieux.
« Sénécia ! Toujours contrariée, on dirait ? »
Sentant ses forces se décupler, il s'élança sur elle... et reçut son souffle alcoolisé en pleine figure, le forçant à reculer.
« Contrariée ? Non. Juste envie de te pulvériser : la routine quoi ! » dit-elle en faisant de nouveau siffler sa lame étincelante dans les airs. Chaz' contra avec son épée et prit le dessus sur son adversaire déchaînée. Le sang qui coulait de sa poitrine le stimulait et se battre contre Sénécia avait ce goût de défi dont il raffolait.
« Bon ben je vous laisse batifoler hein ! Cette grosse touffe verte pleine de ronces est en train d'assommer Drago » dit Swatchy en s'élançant en direction de l'Osa.
Le Sacri profita de ce bref moment de distraction pour asséner un violent coup de pied dans le ventre de la Pandalette, la projetant au sol.
« Oh Séné...tu te laisses faire, là !
-Minable petit sacrieur ! » dit-elle en se relevant prestement et fonçant sur lui.
Un éclair de satisfaction transparut sur son visage lorsqu'elle vit qu'elle l'avait atteint au bras.
« Touché ! Mais... j'en ai un deuxième, hé hé !, dit-il en basculant son épée dans sa main gauche et fendant les airs à quelques millimètres de son adversaire. Il jouait les fanfarons pour la distraire et ne pas lui accorder le plaisir de le voir souffrir mais sa blessure au bras n'avait rien de comparable à celle qu'il s'était faite lui-même auparavant. La hache de Sénécia, il le savait, avait une sorte de double effet et faisait de sérieux dégâts tout en soignant son porteur. Ce qui avait d'abord renforcé sa vigueur était maintenant en train de l'affaiblir lentement et Acinra était introuvable. Il fallait en finir...
De son côté, Astrae était toujours aux prises avec le Crâ.
« Acinra !!!! » hurla-t-il, la douleur provoquée par ses blessures se faisant de plus en plus vive. Mais l'énie, devant également se défendre des attaques bontariennes, avait du mal à tenir ses compagnons d'arme en vie. A peine avait-elle le temps de dire un Mot, qu'elle se faisait assaillir.
« Tant pis, va falloir se débrouiller seul ! », se murmura le Iop à lui-même.
Des nuages menaçants commencèrent alors à s'amasser au-dessus du Crâ, devenant de plus en plus noirs au fur et à mesure que la puissance d'Astrae montait. L'archer banda son arc. La flèche et la foudre explosèrent à l'unisson, provoquant un éclair aveuglant de part et d'autre des deux camps.
Chaz' secoua la tête pour chasser la multitude de petites étoiles qui dansaient devant ses yeux. Quand il les rouvrit, Sénécia qu'il tenait en joue quelques secondes plus tôt, avait disparu ! Il jeta un regard alentours d'un air pensif... Mais qu'est-ce que...Il savait qu'elle aurait eu au moins cent fois le temps de le tuer en profitant de sa désorientation passagère. Où était-elle passée ? Les affrontements avaient repris de plus belle et il dût remettre ses interrogations à plus tard.
La bataille durait depuis un bon moment maintenant. La furie des Brâkmariens permettait d'équilibrer ce combat inégal, quand un élément inattendu vint tout faire basculer. Chazuro, aux prises avec deux Ecaflip, entendit un hurlement. Acinra s'écroula sur le sol, une dague plantée dans le dos. Une sramette était apparue de nulle part pour l'assassiner. Le combat bascula irrémédiablement. Notre Sacrieur résistait du mieux possible, Drago et Swatchy succombèrent ensemble sous les coups de bâton du grand Sadida. Chazuro cherchait Astrae du regard et le trouva enfin sur sa droite combattant avec toute l'habileté et la dignité d'un Iop. Au moment où il allait le rejoindre pour unir leurs forces dans un dernier espoir, un Ecaflip lui asséna un coup sur la tête. Sa vision sombra...