mercredi 28 mars 2012

FT chapitre 6

Sénécia eût à peine le temps d'apercevoir une petite forme noire que tout sembla se figer autour d'elle. Heureusement, un homme entra dans l'atelier en criant avec le bel accent d'Astrub : « Lu ! Cherche cordo 100 no noob, plz g lé K ! ».
 
Cette diversion lui permit de se faufiler à l'extérieur et d'engloutir une potion de sa préparation.
 
*Zwifffttt*!
La saveur verte et amère persistait dans la bouche de la Pandalette, comme un écho à l'acte de trahison auquel elle venait d'échapper. Il y avait bien longtemps qu'elle n'avait pas ingurgité une telle mixture. C'était pourtant, à une époque, l'une de ses préférées, synonyme de dépassement de soi et d'entraînement au combat.
La maison, ou plutôt le repaire de Shad'O, n'avait pas beaucoup changé : toujours le même esprit spartiate, mais avec le brin de poésie et la zénitude qui caractérisent les maisons de Pandala.
 
Sénécia réfléchissait. Il lui fallait faire le point. Les événements des derniers jours l'avaient perturbée.
 
Shad'O était mort, son commanditaire voulait sa tête, Chazuro et Astrae avaient un Xélor tueur aux trousses du nom de Dvergar, la guerre grondait dans la moindre région du continent... oui vraiment, tout était allé trop vite. Sénécia se recentra sur elle-même et après un temps de réflexion prit une décision. Elle grimpa d'un pied agile et décidé à l'échelle de bambou qui menait à la chambre de son ancien maître et alla droit vers le coffre placé innocemment entre deux bulbigs en pots... pour la décoration bien sûr... Se débarrassant des derniers morceaux de feuilles accrochés à sa fourrure, elle redescendit munie d'une cape, d'une coiffe Terredala ainsi que de sa hache et sortit en coup de vent.
 
 
La matinée était pluvieuse. Le ciel d'un gris sombre et triste diffusait une lumière diaphane que seules les toiles d'araknes ornées de perles de pluie venaient un peu égayer par leurs reflets éclatants. Le reste de la faune semblait avoir déserté les lieux, probablement à l'abri quelque part. Astrae et Chazuro traversaient le pont accompagnés de Xeroxx, Carbon et Akiox. La bataille était passée mais chacun ruminait les différents événements. Le Sram pensait à sa mission : prévenir tous les villages allait être long. Xeroxx revoyait la danse macabre de Shad'O. Cet Eca était une légende et tout petit chaton rêvait d'un aussi grand destin. Astrae épiait de tous les côtés, il sentait une présence... Le loup le hantait, le mettait mal à l'aise. Chazuro revoyait Sénécia, au bord de la mort, sauvée par son mystérieux commanditaire. Mine de rien, il avait eu peur pour elle... Et Carbon, lui, pensait aux breuvages légendaires de Pandala qu'il allait enfin pouvoir déguster !
 
La traversée s'effectua sans problème. A la sortie du pont, le garde Chopynwa les stoppa dans leur course.
« Halte-là ! Etrangers, je vous salue ! Ouvrez grand les fioles qui vous servent d'oreilles, je ne le répéterai pas deux fois : « Par ordre du Grandapan, chaque aventurier qui pose un orteil sur l'île de Pandala doit s'acquitter de la taxe sur la Pandrista. »
Oh Chopy ! Arrête d'essayer d'arnaquer les voyageurs et laisse-nous passer ! le coupa le Sram.
Akiox ! Sacré voleur ! Alors cette bataille ?
Si je suis là, c'est qu'on a gagné, Chopy... » soupira-t-il. Le garde était gentil mais très limité. Le Grandapan l'avait affecté à ce poste pour l'éloigner et surtout s'en débarrasser.
Les cinq voyageurs reprirent leur route. Astrae sentait son cœur s'accélérer : ils allaient enfin mettre la main sur ce livre suscitant toutes les convoitises. La fin du trajet se fît rapidement et la grande bibliothèque de Pandala ne tarda pas à se dresser devant eux. Le bâtiment, d'un blanc immaculé, était entouré de bambous de toutes tailles. Astrae et Chazuro sautèrent de leurs montures.
« Allez ! On va enfin savoir !
On va vous laisser bouquiner, répondit Xeroxx. Il paraît que les Pandas ont des réserves de liqueurs et de bières impressionnantes. Carbon et moi allons visiter une taverne en vous attendant. Tu viens avec nous, Akiox ?
Non, ma mission est de prévenir le Grandapan ainsi que les différents villages. Je vous laisse donc à votre quête, dit-il en s'éloignant. Et encore merci de votre aide pour le pont !
Le Sram disparut dans les bambous. Xeroxx et Carbon, attirés par une enseigne représentant une belle chopine, s'éloignèrent aussi. Astrae et Chazuro échangèrent un regard puis prenant une grande inspiration s'engouffrèrent dans la bibliothèque.
 
Le moment tant attendu par Chazuro et Astrae arrivait enfin. Devant eux, sur un simple bureau de bois ordinaire, était posé un magnifique ouvrage, semblant venir de la nuit des temps et possédant une aura si puissante que même la poussière qui s'y était déposée au fil des siècles ne semblait pouvoir atténuer son aspect majestueux. Après trois semaines de voyage et de course-poursuite, il était enfin là. Aucun des deux n'osait l'ouvrir ni même le toucher. La reliure présentait de légers reflets bleutés selon la direction dans laquelle la lumière effleurait le cuir de mulou dont elle était faite, lui donnant un aspect presque surnaturel. Les nervures semblaient attester de son grand âge et le grand flocon qui y était gravé lui donnait un air solennel, à la manière d'un sceau qui le protègerait de tout intriguant mal-intentionné risquant de souiller le savoir qu'il renfermait. Le Sacrieur prit une grande inspiration et souleva la couverture. Ils se mirent à lire avidement ce qui ressemblait à une introduction.
 
 « Je me nomme Ivel Suarts, historien et scientifique de formation. Il y a maintenant deux ans de cela, ayant miraculeusement réussi à reprendre contact avec l'un de mes plus anciens amis, membre d'un clan très fermé et vivant retiré du reste du monde, mes instincts d'aventurier se réveillèrent. Après force persuasion, je réussis à obtenir son accord pour leur rendre visite. Au terme de cette année passée au contact des Frozen Tears, qui s'est révélée absolument fascinante, je pense qu'il est temps, et même absolument nécessaire, de partager mes découvertes.
Cet ouvrage aura donc pour but de décrire précisément la vie de cette communauté si particulière, vivant dans un univers majoritairement hostile. Je vais essayer de rapporter de la manière la plus fidèle possible ce que j'ai pu apprendre, observer et retenir de mon incroyable séjour. Il est, à mon avis, indispensable de faire connaître au monde un groupe d'aventuriers, certes oublié de nos contemporains, mais qui semble avoir joué un rôle extrêmement important dans l'histoire de notre peuple.
Mais il ne me faut point trop en dire pour le moment. Je leur ai promis de ne pas m'épancher en détails fâcheux. Et il est préférable de vous laisser découvrir petit à petit et par vous-mêmes l'ampleur de mes trouvailles ainsi que la richesse historique que ce voyage a mise au jour. »
 
« Il est très important de savoir que le chemin qui mène au sanctuaire des Givrés est semé d'embûches. Nul ne peut se lancer dans une telle expédition sans préparation ni connaissance préalable de la difficulté du périple à réaliser. J'y ai d'ailleurs, pour ma part, songé bien longtemps avant de me lancer ! Il faut dans un premier temps se rendre sur le continent perdu de Frigost. Après maintes réflexions, j'ai décidé de partir du port de Bonta à bord d'un petit esquif. Il me semblait que c'était le moyen le plus simple, bien qu'un peu dispendieux... Le vent était favorable, la voilure était grande, la traversée n'a pris que deux semaines et s'est révélée somme toute plutôt agréable, le coucher du soleil nous faisant face chaque soir. Mais je dois avouer que le sort a été particulièrement clément avec nous. En effet, mieux vaut tout de même rester sur ses gardes lorsque l'on navigue sur ces mers... Les pirates ne se privent jamais de piller toute voile caressant le même vent que la leur. Fort heureusement, nous n'avons pas croisé leur route, auquel cas l'équipage n'aurait pas été de taille à les affronter. Une fois débarqué à Frigost... eh bien ... je ne sais que dire... Un jeune garçon est apparu pour nous accueillir. Après m'avoir bandé les yeux, il m'a pris la main pour me conduire à travers sa terre jusqu'au sanctuaire des Givrés. Le retour se fît de la même manière. Je ne pourrais donc pas en décrire l'itinéraire de façon certaine. Mais d'après ce que j'ai pu voir ou entendre dans la suite de mon séjour, le grand Sapik et le « rocher à tête de loup » en sont des points de repère importants. »
 
Astrae et Chazuro se regardèrent les yeux pleins d'espoir. Tout cela commençait plutôt bien, ils allaient enfin en apprendre plus sur les Frozen Tears. Chazuro tourna la page et ils continuèrent leur lecture.
« Les Frozen Tears ont un système de hiérarchisation clair et précis. Chaque membre a un rang et un rôle à tenir. Et il y a bien évidemment un chef, un meneur. Lors de mon séjour parmi eux, c'était une femme qui dirigeait le clan. Grande brune aux yeux verts, elle avait une prestance et une aura immenses. J'ai très peu parlé avec elle. Mon interlocuteur principal était bien sûr mon ami, un petit homme du rang de « Guide ». J'ai vécu dans sa famille pendant un an, partageant son quotidien. En dessous du meneur se situent deux autres figures de pouvoir : le bras droit et le trésorier. D'après ce que j'ai pu en apprendre en parlant avec mon hôte, le bras droit s'occupe des armées, de la chasse et de la pêche. Le trésorier, lui, s'occupe de l'élevage, de l'artisanat et des archives.
Ce dernier élément semble être d'une grande importance pour eux. En effet, les Frozen Tears, si l'on en croit l'histoire, gardent un lourd secret et le protègent du reste du monde. Ce qui expliquerait sûrement qu'ils ne se laissent que difficilement approcher... Je n'en sais pas plus et n'en parlerai pas, car comme je l'ai déjà dit plus haut, mon vieux compagnon n'est pas un haut gradé et, bien qu'étant relativement accueillants, ils ne vous laisseront pas accéder à certaines pierres d'angles de leur communauté. Outre le meneur, le bras droit et le trésorier, seuls les protecteurs et les diplomates ont accès au conseil des Givrés. »
 
Astrae prit une page entre ses doigts pour avancer dans leur découverte. C'était la première fois qu'il touchait le livre et une vague glacée le traversa. Une impression exceptionnelle de bien-être l'envahit. Il se tourna vers Chazuro qui gesticulait à côté de lui mais il ne l'entendait pas. Il vit également le bibliothécaire accourir mais il était comme... ailleurs. Il reporta son attention sur l'ouvrage : celui-ci s'était recouvert d'une épaisse couche de glace. Soudain, il se fissura et explosa au visage d'Astrae.
 
« ... mais qu'est ce que tu as fait ?!!! On a plus rien maintenant !!!!!! » hurlait Chazuro.
 
Le grand Iop restait tout hébété, sentant une grande sagesse se répandre en lui, se diffusant comme de l'or pur au travers de chacune de ses cellules, et par là-même, l'emplissant d'un sentiment de confiance en lui comme il n'en avait jamais connu auparavant. A ses côtés, Chazuro pestait, criait de rage envers son ami qui venait de détruire l'élément essentiel de leur quête.
 
« Comment on va en savoir plus ? Hein ? Dis-moi ! Par quel moyen trouver le lien entre le loup blanc et les Frozen Tears ????
Le loup est, comme le flocon de neige, l'emblème des Frozen Tears. Il désigne leur esprit de groupe et leur rage au combat, répondit Astrae avec une voix étrangement grave.
Quoi ??? Et c'est maintenant que tu as tout détruit que tu m'annonces ça ?? continua à vociférer le Sacrieur.
De plus il est à noter qu'un rocher en forme de tête de loup sert d'indication pour trouver le Royaume Givré. Il suffit de suivre son regard par une nuit adorée des loups.
Mais... Astrae, réveille-toi !! » dit Chazuro en secouant son ami.
 
Astrae revint à lui après quelques instants.
 
« Je connais le livre par cœur... il est en moi, il répond à chacune de mes questions sur eux, tout devient clair pour moi. Enfin... sauf les parties que le livre n'aborde pas...
Mais comment cela est-ce possible ?
Je ne sais pas mais je vais le découvrir !
Parlez-moi de leur agriculture, intervint le hibou bibliothécaire.
« On pourrait croire qu'un endroit comme Frigost où les températures atteignent des records en-dessous de zéro ne laisse pas beaucoup de place au développement de la vie et notamment de la végétation. Imaginez donc quelle ne fût pas ma surprise lorsque l'on m'amena visiter les champs de frostiz ! Cette île recèle vraiment des trésors incroyables ! A l'époque où le climat était semblable au notre, des cultures céréalières s'étendaient à perte de vue. Lorsque le froid glacial a jeté son dévolu sur la région, aucune plantation n'a survécu... A l'exception d'une seule : une variété de blé qui semble s'adapter aux variations abruptes de température et qui a muté pour donner une graminée aux propriétés et au goût étonnants. J'ai eu évidemment l'extrême curiosité de vouloir étudier de plus près cette plante hors du commun et mes découvertes se sont révélées au-delà de mes espérances. J'ai ainsi observé que ce que je croyais être une adaptation permanente au froid est en fait une sorte de réaction instantanée aux basses températures : mettez un greffon dans un pot à l'abri dans votre logis et vous aurez du blé classique, mais exposez ce même échantillon au gel et il se transforme immédiatement. En résumé : du blé, du froid... et paf ! Ça fait des frostiz !
Cette céréale a également un goût particulier, différent de son homologue des zones tempérées. Les Givrés s'en servent pour faire de la farine qui permet de réaliser d'excellents desserts ainsi que du pain. On en tire également de l'huile très utile à la conservation de certains aliments et qui donne aux plats un léger goût sucré. Un délice qui vous ferait rugir de plaisir ! »
Il parle vraiment comme un fichu bouquin, s'écria Chazuro.
Et ce qu'il dit est rigoureusement vrai, c'est un des quelques chapitres que j'ai lus. En effet, je suis moi-même un grand passionné des différentes agricultures à travers les âges et le climat. Et celle des Frozen Tears est proprement extraordinaire...
 
A la taverne, la fête battait son plein. Carbon et Xeroxx s'étaient mis en tête de battre les Pandas présents aux fameux jeux de boisson pour lesquels ils étaient réputés.
Mais malgré leurs entraînements avec Hapero, la tâche était rude !
« Alors, on déclare forfait ? » leur demanda une serveuse en leur faisant un clin d'oeil malicieux.
« Absolument pas !! » lança l'Eca, tout excité. « Apportez-moi encore une petite douzaine de chopines, je suis sûr que je peux le battre, lui » ajouta-t-il en désignant d'un signe de la tête un petit Panda encore frêle, aux airs de jeune adolescent.
La serveuse étouffa un petit rire : « A votre place, je me méfierais des apparences...! »
L'ambiance était joyeuse. La nouvelle de la victoire du pont, le récit des exploits de Shad'O, tout aidait à l'amusement.
 
Dans un recoin de ce même établissement, une Pandalette observait la scène. Elle détaillait chaque buveur ainsi que les moindres allées et venues. Elle n'était pas tranquille, elle sentait le danger approcher... Et elle avait raison. Soudain la porte battante claqua pour laisser place à un petit Xélor. Habillé d'une tunique noire flanquée d'une étoile bleue ciel, son visage semblait marqué par les années. Il s'installa au bar en jetant un regard amusé aux groupes de soulards. Sénécia réagit immédiatement. Comprenant les néfastes intentions de l'horloger, elle se rapprocha des amis de Chazuro.
« Allez prévenir vos amis à la bibliothèque, le danger est là ! Dites à Chazuro cette phrase : "Prépare ta sérénade sur le pont de la nuit, Chopine viendra". Je m'occupe de retenir le Xélor. »
 
Sénécia fut surprise de la réactivité de Carbon : le Sadida ne semblait absolument pas atteint par les litres d'alcool ingurgités. Sans poser plus de questions, Xeroxx et lui se levèrent et quittèrent la table sous les huées des différents participants.
 
Dvergar se dirigea lui aussi vers la sortie mais Sénécia fût plus rapide que lui, sa hache s'abattant sur le comptoir de la taverne. Le silence se fît.
« Ne nous prive pas de ta compagnie si tôt, Dvergar... nous avons un petit compte à régler. »
Au nom de Dvergar, un frisson traversa la salle. Comment ce Xélor pouvait oser mettre les pieds à Pandala ? Tous les Pandas avaient en mémoire le massacre de la garnison d'Aerdala, vingt ans auparavant. Lors d'une nuit d'horreur qui avait durée en réalité trois jours, la troupe gardant le village blanc s'était fait égorgée, soldat par soldat. Dvergar était le seul Xélor capable d'une telle roublardise, lui l'ange déchu, passé mercenaire, pour assouvir son esprit détraqué et sa soif de sang.
 
En un instant, la joyeuse taverne se transforma en véritable champ de bataille. Les chopines volaient en direction du nain, les haches sortaient de leurs fourreaux, les bâtons tournoyaient. Dvergar, lui, ne bougeait que ses mains, mais c'était suffisant pour éviter tous les projectiles et freiner ses attaquants. Le jeune Panda à l'allure frêle, s'étant dissimulé dans un coin pour suivre toute la scène, se faufila discrètement derrière le comptoir. Le Xélor ne l'avait, semblait-il, pas vu et il projetait de le prendre à revers. Cela détournerait sûrement suffisamment son attention pour que son influence faiblisse et que les autres puissent l'atteindre. Du moins, c'était ce qu'il espérait... Il prépara sa hache, inspira calmement et surgit tout-à-coup de sa cachette dans un cri de rage, prêt à l'abattre par derrière... quand un rayon obscur le percuta et le traversa de part en part. La douleur était tellement intense qu'il entendait à peine la colère de ses congénères à la vue d'un tel spectacle. Le Xélor n'avait eu qu'à lever un doigt pour le réduire à néant. Ce dernier affichait un air impassible. Rien ne semblait le perturber, ce n'était pas une dizaine de soiffards qui pourraient le ralentir. Seule Sénécia lui paraissait assez forte pour lui résister plus de deux minutes. Mais la Pandalette avait disparue de la circulation. Il devait en finir au plus vite avec les soulards et partir à sa poursuite. Ses cibles s'éloignaient et il n'aimait pas ça.
 
Les dragodindes filaient à travers les bambous. Chazuro était anxieux, le message de Sénécia était clair. On en avait après eux, un Xélor apparemment. Et la seule solution était de lui tendre un piège. Mais pouvait-il avoir foi en son ancienne amie ? La phrase-code ne lui rappelait que des moments heureux en sa compagnie, il avait suivi son instinct.
Astrae, lui, était perdu dans ses pensées... les dessins et les descriptions du livre défilaient dans son esprit : un grand loup blanc perché sur un rocher, une faune et une flore plus étrange l'une que l'autre... Tout cela le perturbait. Cela lui semblait familier, comme s'il l'avait toujours su...
 
 
La mercenaire pressait sa monture, il ne fallait pas qu'elle perde la maigre avance gagnée à la taverne. La lourde explosion dans son dos lui signala que Dvergar recommençait sa poursuite. Son plan était à double tranchant, chaque décision serait importante.
 
La petite troupe arriva enfin au pont. De l'autre côté, la brume épaisse de l'île de Grobe laissait planer une atmosphère de peur et de mort.
« Pourquoi venir dans un endroit aussi sinistre ? demanda Xeroxx. 
Longue histoire, répondit Chazuro. Mais pour faire court, c'est un endroit qui a marqué notre passé commun, Sénécia et moi... Il y a de cela longtemps déjà, nous sommes sortis ici vainqueurs d'un combat auquel nous ne pensions pas survivre et nous avions fait la promesse que si un autre combat dantesque devait avoir lieu, nous le ferions ici et ensemble.
Donc si je comprends bien, on va bastonner un Xélor à cinq contre un ? interrogea Carbon.
Si c'est le Xélor auquel je pense, ça ne sera pas de trop. Le massacre d'Aerdala, c'était lui. Les parents de Sénécia sont morts ce soir-là... Dvergar est venu à bout de 150 guerriers. Le lendemain de ce carnage, Shad'O est arrivé sur les lieux pour se lancer à sa poursuite, mais ce fou avait bien protégé sa fuite. Au lieu de ça, il trouva une jeune Pandalette d'une dizaine d'années, terrée dans un coin d'une habitation, le regard fixé sur deux corps éparpillés dans la pièce... La seule survivante. Il l'a prise sous son aile, et l'a formée dans le seul but qu'elle puisse un jour affronter cet ange maléfique. Depuis ce jour, Dvergar est devenu mercenaire et il faut être fou ou très puissant pour se permettre de l'engager.
Mais alors pourquoi Sénécia n'est pas Brâkmarienne ? questionna Astrae qui, lui aussi, découvrait cette histoire.
Ça, je ne le sais pas. Elle a eu, je crois, une grande altercation avec son maître. Elle ne lui a plus reparlé jusqu'à hier, lors de la bataille du pont... Tiens, la voilà ! »
 
La cavalière sauta de sa dragodinde. Chazuro se dirigea vers elle et, sous les yeux ébahis de ses compagnons, l'enlaça un instant.
« Tu es prête ?
Plus que jamais. J'ai ouvert les yeux sur mon passé et sur mes erreurs. Shad'O est mort par ma faute et aujourd'hui je vais honorer sa mémoire en réalisant ce pour quoi il m'a formée.
Nous t'aiderons quoiqu'il arrive. Mais dis-moi, pourquoi te ranges-tu de notre côté ?
Hogmeiser, mon commanditaire, m'a débarquée. Il veut votre mort ainsi que la mienne et... il a engagé Dvergar.
Hogmeiser ? Le cordonnier ? Que vient-il faire dans cette histoire ?
Je ne sais pas vraiment. Il est puissant auprès des Bontariens, c'est lui qui influence Thomas Sacre et dirige la guerre. Il cherche aussi des livres sur les Frozen Tears, une espèce de légende sur un continent perdu. Et quand il vous a vu accompagnés de loups, il a eu peur, très peur. Il a parlé de prophétie et d'autres choses étranges.
Mais c'est impossible ! intervint Carbon. Hogmeiser a disparu il y a de ça 50 ans. Laissant tout son œuvre derrière lui. Comment peut-il être de retour et si puissant ?
Ça reste un mystère, continua Sénécia.
De toute façon, on se posera des questions plus tard. Dvergar ne va pas tarder, il faut se préparer. Gagnons ce combat, nous irons à Bonta après, conclut Chazuro.
Vous ne verrez jamais Bonta ! »
 
La voix du Xelor les surprit. Il se tenait là derrière eux, les bras croisés dans ses manches.
« Merci de m'avoir attendu avec autant d'impatience, continua-t-il avec un brin d'amusement dans la voix. Mais vous avez oublié un détail...
Ah oui et lequel ? clama Sénécia, sûre d'elle.
Tu n'as donc rien appris de ton premier combat ici, jeune fille ? L'odeur du sang attire les créatures de Grobe.
Tu seras donc dans le même pétrin que nous ! lança Xeroxx en jetant un regard inquiet vers le pont.
Pauvre fou ! Tu crois vraiment que mon sang va couler ? »
 
Astrae, jusque-là silencieux, coupa court à la conversation en lançant une première attaque. Dvergar fît un pas de côté pour éviter la grande fissure dans le sol provoqué par l'épée du Iop.
« C'est tout ? » ironisa-t-il.
Les cinq amis se déchaînèrent, lançant leurs sorts contre le Xélor. Mais celui-ci, comme à la taverne, évitait ou stoppait les coups avec une facilité déconcertante. En revanche, sa première attaque fit mouche. Chazuro sentit une poignée d'aiguilles lui transpercer la jambe. A l'instant précis où la première goutte de sang toucha le sol, un rugissement retentit de l'autre côté du pont... et le sol se mit à trembler.
 
« Ils arrivent ! ricana le Xélor.
Xeroxx, Carbon, faites-leur face, on s'occupe du nain ! » ordonna Astrae.
 
L'Eca leva les yeux vers le pont : six énormes fantômes de Yokai Firefoux fonçaient vers eux.
« On va pas tenir longtemps de notre côté, ils débarquent en masse ! se plaignit Carbon.
On fait ce qu'on peut ! » râla Sénécia, après un énième coup de hache dans le vide.
 
Chazuro commençait à en avoir marre de courir après ce maudit Xélor. Les créatures de Grobe continuaient à affluer, le tambour d'un Pandore résonnait au loin. Et puis soudain, alors qu'Astrae et Sénécia avaient enfin réussi à encercler Dvergar, celui-ci disparut dans un grand éclat de rire :
« Il commence à y avoir beaucoup trop de monde ici ! Je vous laisse entre de bonnes mains !
Le fourbe ! Il s'est téléporté ! hurla la Pandalette, folle de rage.
A l'aide !! »
 
Ce cri de détresse venait de Xeroxx et Carbon, proprement encerclés par une nuée de fantômes. Astrae bondit pour les rejoindre et Sénécia lança le Sacrieur dans le tas. Le combat était rude, les coups de griffes pleuvaient de tous les côtés.
« Séné ! Rejoins-nous ! hurla Chazuro pour couvrir les rugissements d'un fantôme Maho.
J'essaie, j'essaie ! Mais ils sont gros !
Moi, je vais t'aider... »
 
La Pandalette sursauta. Cette silhouette, cette voix... Le fantôme de Shad'O se tenait à côté d'elle.
« Maître....
Concentre-toi ! Il y a un combat à finir !
Comment est-ce possible ??
Concentre-toi, je te dis ! Les Pandas ont accepté mon âme car je suis mort en les protégeant. »
 
Le combat s'équilibra un petit peu, bien que la puissance de Shad'O ne soit plus celle de son vivant. Mais le répit fût de courte durée : une autre vague de fantômes apparut à l'autre bout du pont.
 
« Séné, écoute-moi ! Il faut les retenir ! Chazuro et Astrae ont un grand destin à accomplir. Il faut couvrir leur fuite. Astrae ! Chazuro ! Xeroxx ! Carbon ! Partez ! Vous devez aller à Bonta !
Non ! On ne vous laissera pas ! réagit Chazuro.
Partez ! C'est un ordre ! Astrae ,tu dois écouter ton cœur, la clef se trouve souvent dans les morts du passé. »
Astrae prit alors une grande décision. Il se fraya un chemin à travers les fantômes, suivi par ses trois autres compagnons. Carbon et Xeroxx tiraient Chazuro, qui criait à Sénécia de les suivre.
« Non je dois rester ici, c'est mon destin... auprès de mon maître....
Mais la Pandalette ne finit jamais sa phrase... elle se fit envoyer au sol, une énorme griffure lui traversant le visage.
Astrae ne se retourna pas. L'Eca et le Sadi, tirant toujours Chazuro pleurant de rage, le suivirent. Le cri du Sacrieur retentit un long moment :
« Sénéciaaaaa ! Noooooonnnnnn... » 

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