mercredi 28 mars 2012

FT chapitre 1

CHAPITRE 1 
 
 
Astrae et Chazuro étaient deux guerriers des armées de Brâkmar, rentrés le même jour au service de Rushu. Ils avaient fait leurs classes ensemble et s'étaient vite liés d'amitié. Le côté exacerbé et bavard de Chaz' contrastait avec le calme d'Astrae et c'est justement ce qui faisait qu'ils s'entendaient bien. Ils se complétaient et pouvaient compter l'un sur l'autre dans n'importe quelle situation.
 
Ce jour-là, ils avaient été envoyés en patrouille à Gisgoul pour suivre les mouvements des troupes bontariennes.
« Allez, va encore falloir se farcir toutes ces marches...! soupira Chaz'.
-Petite nature ! Tu veux pas que je te porte... comme l'autre fois ? dit Astrae d'un air narquois.
-L'autre fois, c'était pas pareil ! Et je préfèrerais qu'on évite d'en reparler !» Ils se regardèrent un instant et éclatèrent de rire. Ils continuèrent ainsi à plaisanter tout en poursuivant leur ascension...
 
...Arrivés en haut de la Tour, ils commençaient à souffler un peu quand tout-à-coup, sentant une présence, ils se retournèrent et tombèrent nez-à-nez avec un loup blanc. Cela n'était pas la première chose qu'ils s'attendaient à rencontrer ici et l'animal profita de leur stupeur pour prendre la fuite.
« Qu'est-ce qu'on fait ? On le suit ?
-Un peu qu'on le suit ! On va pas le laisser rôder dans la Tour ! »
Une folle course-poursuite s'en suivit alors. Le loup leur faisait prendre mille et un détours et ils se demandaient bien où ils allaient pouvoir atterrir ! Ils crurent l'attraper à un moment mais c'était comme si l'étrange animal s'était évaporé à leur contact pour réapparaître plus loin.
« Tu as vu ça ?! s'étonna Chazuro. Il s'est comme...
-Rooh mais non, il s'est faufilé, c'est tout. Allez viens, dépêche-toi ou on va le perdre ! » répondit Astrae en reprenant sa course... et se retrouvant face-à-face avec un supérieur...
« Que faites-vous, soldats, à courir comme ça dans cette direction ? Vous ne devriez pas plutôt aller dans le sens opposé hmm ? Vous êtes en repérage, alors à votre poste ! gronda le chef brâkmarien.
« Oui, tout de suite ! Nous y allons de ce pas » acquiesca le Iop, contrit. Ils attendirent qu'il passe son chemin en les toisant du regard, d'un air suspicieux...
« C'est fichu, on l'a perdu maintenant ! soupira Chaz'.
-Non, regarde là ! Il me semble avoir vu quelque chose bouger !
-Tu plaisantes ! Il aurait fallut qu'il nous attende, vu le temps qu'on a perdu...
-Rooh arrête de parler et viens ! Vite ! »
Ils continuèrent leur traque et finirent par rattraper ce drôle de fuyard.
« On va l'avoir !
-J'ai une idée : prend à droite ! ordonna Astrae.
-Hmm oui, je crois que j'ai compris... » répondit son ami, un sourire en coin.
Ils avaient talonné le loup jusque dans les oubliettes de l'immense bâtiment, oubliettes qui n'avaient que 2 entrées possibles.... Astrae vit une traînée blanche pénétrer par celle de gauche et renter dans une cellule, vers laquelle il se précipita.
« Coincé ! » dit Chaz' surgissant à côté de lui par l'autre issue. Le Iop lança furtivement un regard à son compagnon et ils déboulèrent dans la pièce. Rien, aucune trace, le loup n'y était plus...comme volatilisé.
« C'est impossible ! Je l'ai vu rentrer, il n'y a aucune issue possible ! » ragea le Sacrieur faisant frénétiquement le tour de la cellule.
C'est alors que leurs regards furent attirés par des mots gravés à même la roche sur l'un des murs...
 
« Drôle d'histoire, commenta Astrae après avoir relu ce récit gravé dans la pierre.
Etrange en effet, cela paraît tellement vrai qu'on a presque envie d'y croire, répondit Chazuro, mais comment peut-on être assez fou pour oser défier le grand Rushu ?
Ah ça, je n'en sais rien, ce pouvoir est peut-être vraiment immense...allez viens, continuons notre patrouille. »
 
Un mois plus tard, Astrae et Chaz' furent envoyés avec trois compagnons en mission au Village des Brigandins. En traversant les plaines de Cania, Chazuro remarqua qu'un loup blanc les suivait en gardant ses distances.
 
« Astrae ! Regarde ! Un loup blanc...on dirait le même que celui de Gisgoul.
Tu rêves Chaz', un loup c'est un loup ! Comment veux-tu que ce soit le même ?
Je repense souvent aux Frozens Tears et à l'histoire des émotions du monde, j'ai envie d'en savoir plus.
Arrête ! Tu vas nous faire repérer ! D'abord le loup, puis les Frozen Tears : tu hallucines mon vieux, comme le pauvre bougre qui a écrit ça sur le mur de sa cellule. Encore un Racontar Prétentieux qui s'est pris pour un poète. »
 
Chazuro, vexé, se mura dans un profond silence tout le long du trajet, mais ne quitta pas du coin de l'œil ce loup qui, depuis maintenant trois jours, les accompagnait. Il aurait pu jurer que c'était cette même lueur étrange qu'il avait aperçu dans le regard de l'animal la fois précédente et qui lui donnait une drôle d'impression qu'il n'avait pas su définir. Pourquoi Astrae refusait-il de le croire ? Etait-ce la différence de grade qui commençait à fissurer leur confiance mutuelle ? La petite troupe brâkmarienne arriva sur leur lieu d'intervention. Le but de leur mission était de tendre un piège à trois hauts gradés bontariens au moment de leur débarquement. Astrae désigna à chacun son poste. Chazuro suivit à contre-cœur les indications : il aurait préféré être à l'abri d'un feuillage plutôt qu'au milieu de serpentins, tapi derrière ce buisson...Ces vicieuses petites bestioles lui avaient laissé un cuisant souvenir par le passé...Essayant de se concentrer sur ses instructions, il fit le point dans sa tête sur les événements à venir... Etre attentif au moindre mouvement dans le ciel... Dès qu'ils arrivent, je lance le signal et on leur fait leur fête à ces bontariens... Ne t'approche pas de moi, sale petite vermine rampante !... Des hauts gradés, ce ne sera pas les premiers que j'affronterai, ça devrait aller... Et c'est ainsi que l'attente commença.
 
Au bout d'une heure, les cinq démons étaient toujours en place. Le ciel s'assombrissait de plus en plus, les nuages formant d'énormes volutes d'un gris menaçant, et la chaleur devenait étouffante, un orage se préparait en cette fin d'été. Chazuro leva le regard et sentant les premières gouttes de pluie sur son visage, aperçut au loin le ballon brigandin qui amorçait sa descente. Il avertit immédiatement ses compagnons et se prépara au combat. Il dégaina alors son épée et s'entailla le bras : comme tout bon Sacrieur, il avait besoin de souffrir pour être efficace. Près de lui, Astrae frémit. Depuis qu'il connaissait Chaz', il ne s'était jamais habitué à cette débauche de souffrance et de douleur. A leurs côtés, l'Eniripsa, l'Osamodas et le Xélor étaient eux aussi prêts à bondir sur les voyageurs bontariens. A l'affût du moindre geste de leur ennemi, les sens en alerte, en cette seconde, ils ne marchaient plus qu'à l'instinct, ce subtil mélange de rage envers leurs adversaires et de crainte de se faire tuer bouillant dans leurs veines. Astrae était fier de ses compagnons, des guerriers loyaux et féroces comme l'on n'en rencontrait pas souvent.
 
Tout d'un coup, sur le chemin en contre-bas, des bruits de troupe retentirent. Bonta avait dépêché un bataillon pour escorter les trois hauts gradés en lieu sûr.
 
« Quelle merde, comment on fait nous ?? A cinq contre trois, la mission était relativement simple, mais contre quinze bontariens dont trois auréoles, ça devient impossible, marmonna le Xélor.
Cesse donc de te plaindre, Swatchy ! On doit neutraliser les trois principaux, les autres on s'en occupe pas. Concentrons-nous sur l'objectif, rien que sur l'objectif ! gronda l'Osa.
Drago a raison : on fonce ! Préparez-vous », ordonna Astrae.
 
La pluie devenait plus insistante, le ballon se posa et l'équipage sauta prestement au sol pour amarrer l'aéronef. Leurs pieds eurent à peine le temps de frôler le sol qu'Astrae lança le signal de l'attaque. Les cinq démons jaillirent de leur cachette en hurlant, foncèrent vers le ballon...et s'arrêtèrent net, pris au dépourvu par ce qu'ils voyaient. Le grand Iop ne comprit que trop tard la réaction de ses compagnons : tout cela n'était qu'un piège ! Une garnison entière de Bontariens débarquait et il n'y avait aucune trace des trois hauts gradés...
 
Il était trop tard pour reculer. Une fois l'assaut lancé, impossible de s'échapper ! Les bontariens, avaient immédiatement fait volte-face et paraient déjà les coups de marteaux de Swatchy et Drago. L'effet de surprise avait été nul, tout se passait à l'envers, mais malgré tout Astrae bondit en première ligne et commença à décimer les rangs ennemis. C'est de ma faute, c'est moi qui les ai conduit dans ce traquenard, à moi de les en sortir...Il transperça de part en part le corps de son adversaire avec une fureur inimaginable... Comment j'ai pu me faire avoir comme ça ?.... Il esquiva de justesse, une pointe de flèche entaillant légèrement son flanc. Il eût à peine le temps de repérer au loin l'archer ennemi qu'une Harcelante fendait déjà les airs en sa direction et l'atteignit de plein fouet. Il chercha alors les siens du regard, espérant qu'ils arriveraient à s'en sortir...
Du côté bontarien, les troupes s'organisaient, les enis en retrait psalmodiaient leurs formules soignantes et revitalisaient les guerriers touchés par Chazuro et ses amis.
« Raah c'est pas vrai ! Ils guérissent à vue d'oeil ! pesta Swatchy.
-A ta gauche !!! » cria Chaz'. Le Xélor tourna la tête juste à temps pour voir une hache s'abattre sur lui. Il était trop tard et il se préparait à prendre le coup....mais rien ne vint. Il s'aperçut alors que Chaz' avait pris sa place au dernier moment. La lame incisa profondément le torse du Sacri qui, jetant un coup d'oeil à sa blessure, releva lentement la tête, une lueur étrange mêlant rage et satisfaction dans le regard. Il la connaissait très bien cette hache. Et la Pandalette qui la maniait, encore mieux.
« Sénécia ! Toujours contrariée, on dirait ? »
Sentant ses forces se décupler, il s'élança sur elle... et reçut son souffle alcoolisé en pleine figure, le forçant à reculer.
« Contrariée ? Non. Juste envie de te pulvériser : la routine quoi ! » dit-elle en faisant de nouveau siffler sa lame étincelante dans les airs. Chaz' contra avec son épée et prit le dessus sur son adversaire déchaînée. Le sang qui coulait de sa poitrine le stimulait et se battre contre Sénécia avait ce goût de défi dont il raffolait.
« Bon ben je vous laisse batifoler hein ! Cette grosse touffe verte pleine de ronces est en train d'assommer Drago » dit Swatchy en s'élançant en direction de l'Osa.
Le Sacri profita de ce bref moment de distraction pour asséner un violent coup de pied dans le ventre de la Pandalette, la projetant au sol.
« Oh Séné...tu te laisses faire, là !
-Minable petit sacrieur ! » dit-elle en se relevant prestement et fonçant sur lui.
Un éclair de satisfaction transparut sur son visage lorsqu'elle vit qu'elle l'avait atteint au bras.
« Touché ! Mais... j'en ai un deuxième, hé hé !, dit-il en basculant son épée dans sa main gauche et fendant les airs à quelques millimètres de son adversaire. Il jouait les fanfarons pour la distraire et ne pas lui accorder le plaisir de le voir souffrir mais sa blessure au bras n'avait rien de comparable à celle qu'il s'était faite lui-même auparavant. La hache de Sénécia, il le savait, avait une sorte de double effet et faisait de sérieux dégâts tout en soignant son porteur. Ce qui avait d'abord renforcé sa vigueur était maintenant en train de l'affaiblir lentement et Acinra était introuvable. Il fallait en finir...
 
De son côté, Astrae était toujours aux prises avec le Crâ.
« Acinra !!!! » hurla-t-il, la douleur provoquée par ses blessures se faisant de plus en plus vive. Mais l'énie, devant également se défendre des attaques bontariennes, avait du mal à tenir ses compagnons d'arme en vie. A peine avait-elle le temps de dire un Mot, qu'elle se faisait assaillir.
« Tant pis, va falloir se débrouiller seul ! », se murmura le Iop à lui-même.
Des nuages menaçants commencèrent alors à s'amasser au-dessus du Crâ, devenant de plus en plus noirs au fur et à mesure que la puissance d'Astrae montait. L'archer banda son arc. La flèche et la foudre explosèrent à l'unisson, provoquant un éclair aveuglant de part et d'autre des deux camps.
Chaz' secoua la tête pour chasser la multitude de petites étoiles qui dansaient devant ses yeux. Quand il les rouvrit, Sénécia qu'il tenait en joue quelques secondes plus tôt, avait disparu ! Il jeta un regard alentours d'un air pensif... Mais qu'est-ce que...Il savait qu'elle aurait eu au moins cent fois le temps de le tuer en profitant de sa désorientation passagère. Où était-elle passée ? Les affrontements avaient repris de plus belle et il dût remettre ses interrogations à plus tard.
 
La bataille durait depuis un bon moment maintenant. La furie des Brâkmariens permettait d'équilibrer ce combat inégal, quand un élément inattendu vint tout faire basculer. Chazuro, aux prises avec deux Ecaflip, entendit un hurlement. Acinra s'écroula sur le sol, une dague plantée dans le dos. Une sramette était apparue de nulle part pour l'assassiner. Le combat bascula irrémédiablement. Notre Sacrieur résistait du mieux possible, Drago et Swatchy succombèrent ensemble sous les coups de bâton du grand Sadida. Chazuro cherchait Astrae du regard et le trouva enfin sur sa droite combattant avec toute l'habileté et la dignité d'un Iop. Au moment où il allait le rejoindre pour unir leurs forces dans un dernier espoir, un Ecaflip lui asséna un coup sur la tête. Sa vision sombra...

FT chapitre 9

« J'espère que nous serons assez nombreux pour faire pencher la balance... soupira le Crâ.
Oui, je pense ! Akiox nous a garanti la participation de Pandala. Trois cents hommes passent en ce moment-même le pont, ils seront là dans trois jours, répondit Carbon.
Et nous, combien serons-nous ? s'inquiéta Ninoxe.
Deux cents, peut-être deux cent cinquante, estima Lagaf.
C'est peu pour tenir un front.
Jaken nous a fait passer un message, dit Xeroxx. Oto Mustam envisage d'affronter l'armée bontarienne autour du Zaap des landes de Sidimote. C'est l'endroit le plus étroit, ça limitera les manœuvres de contournement.
Les souterrains débouchent au Zaap ! Il faudra rester à l'intérieur et sortir au dernier moment : l'effet de surprise nous donnera un petit avantage.
On va devoir jouer serré... il ne s'agit pas de faire une petite diversion mais une véritable guerre. »
Trunks écoutait avec attention. Il se sentait à sa place parmi cette bande d'hurluberlus qui voulait défier une armée entière malgré leurs faibles moyens... juste pour leur liberté.
 
...Les petits animaux fuyaient dans leurs terriers. Leurs sens aiguisés les avaient alertés du danger qui progressait dans leur contrée. Le bruit sourd martelant le sol se rapprochait, les vibrations de la terre se faisaient plus intenses...
 
 
Oto Mustam et Emma Sacre, au cœur de Brâkmar, cherchaient une solution au gigantesque problème qui faisait marche droit sur eux. Ils connaissaient bien les landes de Sidimote. Cette longue étendue de terre n'était pas à leur avantage. Que pouvait faire une armée de trois mille âmes contre les vingt mille soldats de Bonta ?
« Chacun de nos hommes est plus courageux et valeureux que cinq anges réunis. Mais ces derniers sont vraiment plus nombreux...
Il va falloir résister. Amakna nous promet une aide, ainsi que Pandala. Personne ne veut voir Dvergar diriger notre continent.
Nous devons tenir les landes et la tour de Gisgoul. S'ils passent, nos remparts seront à leur merci...
Restons concentrés sur cet objectif, nos troupes sont prêtes à faire face. Nous estimons la bataille à dans combien de jours ?
Maximum une semaine. L'armée bontarienne marche lentement, nous avons encore un peu de temps pour nous organiser.
 
« Non pas le Trooll, pas le... » Le capitaine Malfe se réveilla en sursaut. Les vibrations du sol étaient venues perturber sa sieste. Qu'est-ce qui pouvait bien faire un tel raffut ? Soudain, il vit au loin un gros nuage de poussière se déplacer en sa direction et il comprit. Se mettant tout de suite au garde-à-vous, il vit passer devant lui ce qui devait être la plus grosse machine de guerre qu'il ait jamais vue dans sa carrière. Les Bontariens ne faisaient plus qu'un, leur but ultime se lisant clairement sur les visages : destruction.
 
Astrae était assis dans la salle du conseil. Il était plongé dans une profonde réflexion. Comment allait-il pouvoir renverser cette situation qui paraissait si complexe ? Que ferait Père ?... il dirait : « Provoque l'événement qui jouera en ta faveur »... facile à dire...
Chazuro vint le rejoindre.
« Il nous faut partir, le temps presse.
Non, pas encore ! Je n'ai pas la solution...
Nous devons nous équiper, marcher jusqu'au Zaap, éviter les Yech'tis et rejoindre les armées brâkmariennes... non, il faut nous dépêcher ! »
 
Le Iop haussa un sourcil, le regarda fixement puis partit dans un éclat de rire machiavélique que le Sacrieur ne lui connaissait pas.
« La voilà la solution ! Ah Chaz' mon ami, ma Reine avait raison : tu fais un excellent bras droit ! »
Chazuro, incrédule, ne releva pas. Il fallait accélérer le pas et son petit speech semblait efficace. Astrae sauta du trône et sortit de la pièce.
« Viens t'équiper... vu que tu y tiens vraiment ! » lança-t-il, en plaisantant, à son ami.
Le Sacrieur ne voyait vraiment pas comment on pouvait être aussi jovial dans une telle situation... mais il ne dit mot.
 
Le lendemain, les deux compères prirent la route des Monts Enneigés, territoire hostile dominé par les Yech'tis et autres créatures tout aussi féroces.
 
... « Ne faiblissaient pas, soldats ! En avant ! » cria Thomas Sacre. Un cri de rage unanime retentit parmi les troupes. Max Ouelle suivait toujours sagement le martèlement lent et régulier des tambours rythmant l'avancée de cette funeste expédition. Dvergar semblait ne plus lui prêter attention, ce qui était bon pour lui...
 
 
« Les Pandas sont là et deux d'entre eux demandent à vous voir, dit le Tavernier à Carbon et Xeroxx.
Voilà une bonne nouvelle ! Qu'ils entrent ! »
 
Quelques instants plus tard, Akiox fit son apparition dans la pièce, suivi d'une grande Pandalette au visage familier.
 
« Sénécia, souffla Xeroxx, alors tu es vivante...
Oui mais de justesse, répondit-elle, se tournant pour laisser apparaître une grande balafre traversant le côté droit de sa tête.
C'est Chazuro qui va être content !
Il est ici ?
Hélas non, il est parti pour Bonta. Et Trunks ici présent nous a dit qu'il s'était embarqué pour Frigost avec Astrae. »
La Pandalette garda le silence. Aurait-elle l'occasion de le revoir un jour ? Elle se perdit alors brièvement dans ses pensées, songeant à ce que cela aurait pu être si les choses avaient tourné différemment... Mais toutes ces spéculations étaient inutiles et elle reprit la conversation en cours :
« C'est peu...
Oui mais nous ne pouvons faire mieux. Certains ont déjà rejoint la cité noire pour s'enrôler. »
Akiox avait l'air soucieux mais en même temps résolu. Un guerrier de son rang n'avait pas pour habitude de fléchir devant les difficultés. Son honneur était en jeu et il irait jusqu'au bout, quoi qu'il en coûte :
« Par où voulez-vous passer ?
Les souterrains reliant l'est et l'ouest sont les plus pratiques pour arriver au cœur de la bataille, lui répondit l'Eca en déroulant un grand parchemin sur la table.
Je ne connais pas suffisamment la région. De toute façon, le Grandapan m'a dit de nous mettre à vos ordres. Nous vous suivrons donc.
Bien. Le départ se fera demain, à l'aube » conclut Xeroxx, échangeant avec le Panda un regard qui en disait long sur la suite...
 
Il faut que ça marche ! Ça doit marcher ! Enfin... ça devrait... je crois...
« Eh toi, le Féca ! Regarde où tu marches ! »
Max venait d'écraser le pied de son voisin qui n'avait pas l'air content du tout. Ce plan allait absolument tout changer... si aucun imprévu ne se produisait... Les guerriers bontariens arrivaient maintenant près d'un grand massif montagneux qu'ils se mirent à longer. Si les obstacles pouvaient tous être contournés aussi facilement, alors le jeune ange avait une chance... les Brâkmariens avaient une chance.
 
Astrae menait la marche, Chazuro le suivait tant bien que mal. Son ami ne lui avait plus adressé la parole depuis le départ du repère. Le grand Iop traçait la route vers le nord. Les arbres se faisaient de plus en plus rares et le paysage devenait plus rocailleux.
« Nous y sommes presque, le Zaap est juste de l'autre côté de ce pic, indiqua Astrae.
Pas de signe des Yech'tis... Auraient-ils succombé au zéro absolu eux aussi ?
Détrompe-toi ! Ils sont là. Ils nous observent depuis un bon moment déjà mais le bâton de mon père semble les tenir en respect... pour l'instant. »
Chazuro regarda, inquiet, autour de lui mais n'apercevait rien d'autre que l'étendue désertique lorsque soudain, un mouvement furtif attira son attention. Deux grands yeux brillants le fixaient dans la brume. Ils se fondaient avec une telle aisance dans l'éclat immaculé du décor qu'il fallait vraiment savoir que quelque chose était là pour les remarquer. Mais une fois sa conscience piquée au vif par le danger, le Sacrieur réalisait que la scène était tout autre que ce qu'il voyait quelques secondes plus tôt... Cinq ou six monstres les suivaient, affichant une expression à la fois pleine de rage et tétanisée par l'aura que dégageait l'arme de son ami.
 
 
Quelque part dans les tunnels traversant les montagnes sous Amakna jusqu'aux landes de Sidimote, Carbon et Xeroxx menaient l'équipée avec l'aide de Chip's...
« Pourquoi c'est toujours moi qui passe devant ? se plaignit le Sram.
Aurais-tu peur des mineurs ? se moqua l'Eca.
Non ! Mais le fait que je sois un Sram n'inclut pas une compétence en souterrains en tout genre. Surtout celui-là ! se justifia Chip's en regardant la cavité lugubre dans laquelle ils se trouvaient.
 
La petite troupe composée de rebelles d'Amakna et de Pandas avançait rapidement vers sa destination finale. Hapero et ses compagnons dirigeaient l'opération avec l'aide précieuse d'Akiox et de Sénécia. Il avait fallu équiper, motiver et réunir tout le monde pour l'expédition souterraine. Le dernier message de Jaken annonçait que les troupes bontariennes avaient accéléré le pas. La grande bataille aurait lieu dans environ trois jours, suffisant tout juste à nos amis pour faire le trajet. Mais les hommes étaient confiants et l'allure preste.
 
Aux portes de Brâkmar, un Osa et une petite Enie inspectaient leurs troupes. En effet, Khrysalide avait été élevée par Emma Sacre au grade de Général et elle allait devoir diriger une garnison durant la fin de cette guerre. Heureusement pour elle, son ami Jaken était présent à ses côtés pour la conseiller dans ce rôle nouveau pour elle.
« Soldats ! La bataille qui s'annonce va être encore plus saignante et violente que dans vos rêves de petits démons. Soyez-en sûrs, la moitié voire la totalité d'entre vous trouvera la mort demain près du Zaap des landes ! Mais si vous êtes là, dans cette ville, à nos côtés, c'est que vous aimez la mort, le sang, la guerre et tout autre joyeuseté de ce genre ! Alors montrez-nous vos capacités et votre rage au combat ! Portez haut les couleurs de Brâkmar ! Nous allons bouffer de l'ange ! »
Une clameur s'éleva des rangs à l'écoute du discours musclé de cette petite Enie bien décidée à en découdre. Peu de temps après, Oto Mustam et Emma Sacre firent leur apparition sur de magnifiques dragodindes en armure. L'armée toute entière les salua puis se mit en marche à travers les landes.
 
Sur l'île enneigée, nos deux compères avaient enfin atteint le haut du pic escarpé qu'ils escaladaient depuis le matin. En dessous d'eux, une grande vallée blanche se dévoilait à travers la brume. Un anneau d'un bleu intense indiquait que le Zaap était accessible et toujours en état de marche.
« Il est encore loin, souffla Chazuro que la montée avait épuisé.
Courage, mon ami ! Et reste sur tes gardes, les Yech'tis semblent plus belliqueux. »
Le Sacrieur regarda autour de lui. Effectivement, c'était maintenant une vingtaine de monstres des neiges qui les entouraient, se tapaient sur la poitrine, grognaient et imperceptiblement se rapprochaient.
« Dépêchons-nous ! Le bâton semble avoir moins d'influence ici. »
 
Astrae entama la descente, toujours aussi déterminé. Son ami l'observait. Son visage avait changé, ses traits étaient plus durs, son regard plus sombre, ses paroles plus réfléchies et très directives. Ce n'était plus le Iop déboussolé que Chazuro avait rencontré au Zaap de Brâkmar, ce n'était pas non plus la jeune recrue joyeuse et insouciante de la cité noire... Non, c'était vraiment un autre homme, investi d'une mission, portant les espoirs d'un peuple oublié qu'il voulait faire renaître. Un homme bon et droit mais gagné par une part d'ombre importante et effrayante...
 
« Brâkmar vient à notre rencontre, dit Dvergar à Hogmeiser en désignant un nuage de poussière à l'horizon.
Haha les fous ! Pourquoi venir se jeter dans la gueule du loup ?!
Je connais ma sœur, intervint Thomas Sacre. Elle préférera une bataille héroïque à un siège épuisant et sans gloire.
Tant mieux, ça la conduira à sa perte ! Nous aurons tôt fait d'écraser sa misérable armée, continua le cordonnier. Tu as l'air soucieux Dvergar, qu'est-ce qui te préoccupe ? »
Max qui, dans les rangs, suivait la conversation d'une oreille discrète ne put s'empêcher d'esquisser un léger sourire de satisfaction...
« Rien ! répondit le Xélor d'une voix sèche en secouant la tête comme s'il chassait une mauvaise pensée. Nous allons vaincre ! Demain l'affrontement commencera et le soir venu, nous aurons fini notre carnage !
Voilà qui est bien dit ! Je ne regrette pas d'avoir fait appel à toi ! Cette Pandalette ne t'arrivait vraiment pas à la cheville ! »
Oui, vraiment... Tous des sots, ces soi-disant dirigeants... pensa le jeune Féca...
 
« Ah ! Voilà enfin la vallée, soupira Chazuro. Les Yech'tis sont de plus en plus nombreux...
Oui, reste près de moi et avançons. Nous ne sommes plus très loin. »
Les deux amis se mirent en marche de concert, regardant de tous les côtés pour surveiller le cercle de créatures qui se rapprochaient irrémédiablement.
 
L'aube se levait sur les landes de Sidimote. Les tambours des deux armées qui avaient résonné toute la nuit s'étaient tus. Khrysalide et Jaken observaient l'immense bataillon qui stationnait à quelques encablures d'eux, de l'autre côté du Zaap. Un frisson avait parcouru les troupes brâkmariennes lorsque le jour avait révélé le nombre déployé par Bonta. Emma Sacre avait recadré tous les guerriers en les haranguant encore et encore.
Dans le souterrain débouchant près de l'anneau bleu, Chip's expliquait ce qu'il venait de voir à Xeroxx et Carbon.
« L'armée bontarienne est là, celle de Brâkmar aussi. L'affrontement est très proche.
Attendons que ça commence, nous sortirons plus tard. Nous arriverons peut-être à désorganiser un peu les troupes de Dvergar. »
 
Le mage noir en question avançait sa monture. Il irait avec les troupes se mêler à la bataille. Thomas Sacre resterait sûrement à l'arrière avec Hogmeiser. Mais lui voulait être dans l'action, entendre le fracas des armes, sentir l'odeur du sang, frapper, esquiver... c'était sa vie. Etre observateur n'était pas son rôle.
« Soldats ! Préparez-vous ! A mon signal, nous chargerons ! N'ayez pas peur du choc : si vous ralentissez, vous êtes morts ! »
Le Xélor attrapa son gros marteau blanc, le leva bien haut puis, harponnant sa dragodinde, l'abaissa soudainement. Les cavaliers lancèrent à leur tour leurs montures. La bataille commençait.
 
« Ne bougez pas ! Laissez-lez venir ! »
Emma Sacre criait ses ordres. Les soldats brâkmariens sortirent leurs lances et boucliers et se plantèrent dans le sol, attendant l'assaut ennemi. Khrysalide regardait le Zaap avec intensité. Elle espérait voir apparaître Astrae. Le revoir avant de mourir était l'un de ses souhaits...
 
« Archers ! Tirez ! »
Une nuée de flèches recouvrit le ciel avant de s'abattre sans pitié sur les premiers rangs bontariens. Quelques anges tombèrent... tout de suite remplacés par une deuxième vague. Dvergar ne prêtait aucune attention à ces attaques de pacotilles. Son regard était fixé sur Oto Mustam. Il aurait la peau de ce démon, il se l'était juré !
 
Dans le souterrain, la troupe attendait le moment propice.
« Soyons patients, dit Xeroxx en voyant passer la première ligne d'anges.
Si on sort maintenant, on va prendre autant de flèches amies que de coups ennemis.
Attendons l'impact ! » acquiesça Carbon en faisant un signe d'apaisement aux guerriers autour de lui.
 
Les premiers Bontariens vinrent s'écraser contre les piques démons. Mais sous le nombre, la ligne brâkmarienne commença à reculer.
« Tenez bon ! Repoussez-les ! » 
Jaken invectivait ses hommes. Stone, à côté de lui, envoyait des guerriers valser dans les airs. L'un d'eux atterrit devant l'entrée souterraine. Reprenant ses esprits, il aperçut les rebelles stationnés à cet endroit.
« Alert.... » Il ne put finir son cri. Une flèche le fit taire à jamais.
Xeroxx remercia Hapero du regard puis sortit un jeu de cartes ainsi que sa paire de dagues.
« Allez ! Que la fête commence ! »
Il s'élança et un premier Bontarien s'écroula, un as de trèfle planté dans le crâne. Un deuxième fut découpé en deux par une ronce de Carbon.
Dans les rangs ennemis, la surprise fut vite balayée par les ordres de Thomas Sacre. Le Iop prenait la mesure de l'événement et, malgré sa position reculée, déployait une tactique de guerre bien huilée.
Deux anges entourèrent Chip's puis l'attaquèrent violemment. Le Sram resta sans réaction et les deux soldats continuèrent leur assaut, quand soudain deux dagues les transpercèrent de part en part.
« Coucou ! fit une voix sortie de nulle part. C'est pas gentil d'abîmer mon double ! »
Les combattants s'écroulèrent sur le sol et Chip's apparut, un grand sourire aux lèvres.
« Chip's, bouge-toi et arrête de t'amuser ! râla Lagaf. Y'en a plein d'autres ici !
J'arrive, j'arrive ! »
 
 
La sœur Sacre, de son côté, démontrait que son grade de dirigeante de Brâkmar n'était pas usurpé. Tandis que, d'une main, elle décapitait un Bontarien dans un phénoménal coup d'épée, elle para de l'autre la flèche d'une jeune Crâ aux ailes blanches à l'aide de son bouclier. Et ce tout en continuant à donner ses ordres. Toute la rage en elle explosait et il ne faisait pas bon croiser sa route en ce moment précis...
 
... C'est d'ailleurs ce qu'un grand Sacrieur eut tout juste le temps de penser avant que Dvergar, qui avançait toujours en direction d'Oto, ne brise sa cage thoracique en mille morceaux. Il était à peine ralenti par la défense démon. Les coups ne semblaient pas l'atteindre et son marteau faisait des ravages. Il explosa le crâne d'un Sadida dans un grand éclat de rire. Sa grandeur au combat le grisait tellement qu'il ne remarquait pas qu'un Féca se frayait un chemin derrière lui...
 
Les Pandas, quant à eux, n'étaient pas en reste et avaient surgi peu après les trublions d'Amakna. Ils avaient aussi engagé l'affrontement contre une partie des troupes arrières de la cité blanche. Sénécia menait la danse, lançant ses flasques le plus loin possible et mutilant les anges à coups de hache, les privant de leurs jambes.
 
« Sénécia !! » Hogmeiser était stupéfait de voir son ancienne mercenaire. Dvergar lui avait assuré la mort de la Pandalette ainsi que celle des gêneurs accompagnés des loups.
Comment est-ce possible... si elle est vivante, le Iop et le Sacrieur le sont sûrement aussi. Dvergar m'a menti... il va falloir se méfier...
 
« Thomas ! Lance tes troupes ! Toutes tes troupes ! »
Le Iop regarda avec étonnement l'homme à ses côtés.
« Nous avons la situation bien en main...
Obéis et ne réfléchis pas ! Envoie toute l'armée !
Bien... » répondit-il, l'air résigné.
 
Les escadrons de réserve se mirent en branle. Khrysalide, tout en soignant ses guerriers, le signala à Jaken.
« C'est la fin. Ils arrivent tous... »
 
 
Sur Frigost, Astrae et Chazuro n'étaient plus très loin du Zaap. Mais les Yech'tis ne les laissaient plus trop avancer.
« Prépare-toi, Chaz !
A mourir ?
Non ! Ne sois pas idiot ! Je vais créer une brèche. Cours vers le Zaap et quoiqu'il arrive, ne t'arrête pas. »
Mais...
Aie confiance ! »
Le Sacrieur se remémora des images de Grobe. L'abandon de Sénécia... il ne voulait pas revivre de tels moments. Son regard croisa celui de son ami et il fut aussitôt parcouru d'un frisson en apercevant cet esprit machiavélique qui semblait habiter le Iop. Mais il n'eut pas le temps de protester. Astrae fit tournoyer son bâton et le planta violemment dans le sol. Les Yech'tis s'inclinèrent, laissant un espace en direction du Zaap.
« Cours ! Et n'oublie pas : tu es un Frozen Tears ! » cria Astrae.
Chazuro suivit les instructions du Iop et courut en direction du Zaap sans se retourner, jusqu'à en perdre haleine. Il entendait le fracas des monstres s'élançant derrière lui. Soudain, un loup d'un blanc immaculé le dépassa. La bête tourna la gueule vers le Sacrieur.
Ce regard... Astrae ! Par quel miracle...
 
Il comprit alors le plan de son ami. Il pensa très fort à son appartenance au clan, à la reine, au pacte qu'il avait juré de défendre et se sentit tout-à-coup plus léger, plus fort, plus puissant... il courait plus vite et plus près du sol...
 
Un écureuil, qui observait la scène du haut de son Sapik, vit les deux loups blancs courir vers un grand anneau bleu, poursuivis par une horde impressionnante de Yech'tis.
 
 
Dans les landes, les démons reculaient face à l'immensité de l'armée bontarienne. Emma Sacre se battait toujours avec l'énergie du désespoir. Elle embrocha un Ecaflip et, regardant autour d'elle, sentit des larmes de rage couler sur ses joues.
« Brâkmariens ! Envoyez-les en enfer ! »
Mais son appel resta sans réponse. Son frère gagnait leur duel à distance... d'une façon semblant irrémédiable...
 
Khrysalide esquiva le coup de bâton d'un Féca et riposta d'une formule dont elle avait le secret. L'ange se retrouva déboussolé et elle l'acheva d'un grand coup de marteau sur la tête. Jaken, non loin de là, bataillait avec l'aide de Stone, toujours aussi enflammé. Ils essayaient tous tant bien que mal de ne pas faiblir mais petit à petit, ils ne furent plus qu'un îlot au milieu du flot ininterrompu d'anges guerriers.
 
« Aidez-nous ! »
Hapero et Chip's se retournèrent en entendant l'appel. Akiox et Sénécia étaient en très mauvaise posture. Un escadron entier les entouraient et commençaient à prendre le dessus, malgré l'abnégation des deux guerriers.
« Allons-y » décida le Crâ en dispersant trois combattants bontariens à l'aide d'une flèche. Le Sram lui emboîta le pas. Ils firent un carnage en prenant les soldats blancs à revers et rejoignirent rapidement leurs deux alliés.
« Vite ! Il nous faut retourner auprès de Ninoxe et des autres. Nous tenons une petite position qui nous permet de survivre. »
Les quatre amis repartirent vers ce minuscule bosquet que Lagaf, Carbon et Xeroxx défendaient au prix de maintes blessures que la cousine de ce dernier s'empressait de refermer et soigner.
 
A l'autre bout de la lande, dans un endroit isolé, Dvergar menait un combat titanesque contre Oto Mustam. Chaque coup résonnait dans toute la plaine. Aucun des deux combattants ne laissait l'autre prendre l'avantage ni même gagner du terrain...
... Ce qui laissait un peu de temps à Max Ouelle pour se débarrasser de ce Panda posté en travers de son chemin et le prenant pour un ennemi. A chaque détonation raisonnant dans l'atmosphère, il espérait que le chef Brâk tienne le coup... juste assez longtemps pour que le jeune protecteur puisse mettre son plan à exécution et achever lui-même l'autre sadique couvert de bandelettes. Le temps pressait et n'était plus à l'esquive prudente. Le Féca invoqua ses armures et fonça droit sur son opposant d'un air féroce.
 
Tout n'était que confusion et désordre. Les peuples se déchiraient, mettant tout à feu et à sang.
« Je vais enfin pouvoir dominer le monde et prendre possession de cette île enneigée que je convoite depuis tellement longtemps ! Ha ha ha ! »
Hogmeiser se félicitait avec Thomas de cette belle victoire quand, brusquement, le Zaap s'illumina d'un bleu étincelant et le temps sembla se suspendre un instant. Tous les regards étaient rivés sur cette lueur. Le visage d'Hogmeiser pâlit et une vague d'espoir submergea rebelles et démons. Deux loups blancs en jaillirent et, avant-même d'avoir posé une patte sur le sol, un Iop et un Sacrieur les avaient remplacés.
« Brâkmariens ! Démons ! Reculez et ralliez-vous à moi ! » cria Astrae d'une voix tonitruante en brandissant son puissant bâton. Tous restèrent interdits, ne savant quoi penser de cette curieuse intervention.
Son ami et lui s'écartèrent alors vivement du Zaap, laissant place à une horde de Yech'tis déchaînés. Et le véritable carnage commença.
Les monstres de glace ne firent pas de détails, éventrant tout sur leur passage, renversant, piétinant, griffant et dévorant les malheureux anges en travers de leur route.
Le reste de la troupe brâkmarienne s'était rapidement réunie autour d'Astrae et Chazuro. Emma leur adressa la parole.
« Après les loups, maintenant ces monstres. Vous êtes surprenants, soldats...!
Je ne suis plus soldat ! » répondit d'une voix sèche le Iop.
La fille Sacre resta muette : il y avait bien longtemps que personne n'avait osé lui tenir tête de cette façon... Un sourire illumina son visage.
« Brâkmariens, Démons et... alliés d'un jour, combattons pour notre liberté et finissons le travail que nos deux sauveurs ont bien entamé. » Des cris et des hourras enflammèrent la foule.
Les troupes noires se lancèrent à l'assaut des rescapés bontariens.
 
Hermétique à toute cette agitation, Max Ouelle n'était concentré que sur une chose : intervenir rapidement. En effet, Dvergar avait acculé Oto Mustam contre un mur en ruine et le chef de la milice sentait que la situation lui échappait. Le Xélor avançait vers lui, une main tendue bloquant le moindre mouvement du Brâkmarien. Le jeune Féca décida alors de se lancer et apparut dans le champ de vision de son général.
« Ah... tu as réussi à survivre, jeune effronté ! Tu arrives au bon moment : tu vas assister à la plus belle mise à mort que ce jour ait connu...
Oh non, je ne crois pas ! »
Oto Mustam releva la tête. Quel était cet ange qui osait défier Dvergar pour le sauver lui, un démon de la pire espèce ?
Dvergar ne put s'empêcher de rire.
« Toi, freluquet ? Tu te crois assez fort pour me battre ? Moi qui vient de mettre à genoux le grand Oto Mustam ? Moi qui ai massacré tout un village de Pandala sans en retirer ne serait-ce qu'une égratignure ? Pauvre fou... »
Le Xélor se détourna du Féca et souleva son lourd marteau au-dessus d'Oto. Max Ouelle réagit au quart de tour. En un instant, il avait lancé un sort de protection sur le Brâkmarien et il s'interposa entre les deux hommes.
 
Non loin de là, Sénécia cherchait Hogmeiser tout en se frayant agilement un chemin entre les cadavres éventrés par les Yech'tis et les combattants encore vivants. Tout n'était que chaos autour d'elle. Elle aperçut enfin la dragodinde bleu turquoise du cordonnier. Enfin, elle allait pouvoir venger définitivement la mort de Shad'O ainsi que son propre honneur ! La Pandalette s'élança au pas de course mais un monstre des glaces lui barra le passage. Sans se démonter, Sénécia, par une habile astuce, passa sous les jambes du Yech'ti et lui trancha les tendons d'Achille avec sa hache. Le colosse s'écroula sous son propre poids. La jeune guerrière le laissa gisant derrière elle et continua sa poursuite. Mais il était trop tard, Hogmeiser était déjà loin. Il fuyait à bride abattue à travers les plaines, abandonnant son armée et ses projets de conquête...
 
... Projets pour lesquels quelqu'un s'apprêtait à payer : Emma avait mis la main sur son frère. Thomas n'en menait pas large devant la fureur de sa sœur.
« Tu as dépassé les limites ! Comment as-tu pu ?
C'est Hogmeiser ! Il... il a pris le pouvoir... il m'a rappelé une dette de Père.
Tu es un bel idiot... Père n'a jamais eu de dette. Tu mérites de mourir ! »
La fille Sacre se rapprocha de son frère avec la ferme intention d'en finir avec cette guerre fratricide. Mais Astrae, qui avait suivi la scène de loin, intervint.
« Non ! Ne fais pas ça !
Pourquoi ?? Il le mérite !
Peut-être. Mais tu ne dois pas le tuer, continua Astrae, le regard dur. Il est important que vous deux restiez en place. Vous garantissez l'équilibre. Reprenez vos petits duels inoffensifs qui ne mettent pas le monde en danger et restons-en là. »
Astrae tendit la main à Thomas et le releva.
« Rassemble ton armée. Les Yech'tis commencent à se disperser, vous ne risquez plus grand-chose.
Mais qui es-tu pour nous diriger ainsi ?
Mon nom n'a aucune importance. Sache juste que si tu remets la pagaille sur le continent, j'interviendrai avec mon clan pour ramener l'ordre. »
Le Bontarien allait répliquer quand un bruit assourdissant assomma la lande.
Là-bas, au loin, une lutte sans merci avait encore lieu. Si les jumeaux Sacre, enrôlés dans cette histoire par les circonstances, étaient prêts à calmer le jeu, la détonation leur rappelait qu'il y en avait un qui n'abandonnerait sous aucun prétexte... quelqu'un qui aimait cette guerre et qui comptait faire plus que la gagner...
 
Le jeune protecteur résistait du mieux qu'il pouvait. Le maître du temps sortit discrètement quelque chose de sa poche. Max réussit in extremis à lancer son armure incandescente et la barrière de feu le protégea de la poussière temporelle que son adversaire soufflait en sa direction. Malheureusement, quelques particules passèrent au travers, lui brûlant partiellement le visage. Qu'importe s'il était défiguré, il ne se laisserait pas faire aussi facilement. Le tout était de trouver la brèche...
« Tu as pris un coup de soleil, non ? » ricana le Xélor.
Max, furieux, ne sourcilla pas. De sombres nuages commençaient à se former au-dessus de son adversaire. Ce dernier se téléporta juste avant que l'éclair ne puisse le foudroyer.
« Hmm moui, si tu veux, on peut jouer à ça... » dit le petit homme couvert de bandelettes en réapparaissant derrière le jeune guerrier. Aussitôt un rayon obscur atteignit le Féca qui tomba au sol.
Un autre traversa Oto Mustam de part en part, l'empêchant de lui planter son arme dans le dos.
« Tu croyais pouvoir m'avoir de cette façon ? En traître ? Ne comprends-tu pas qu'il en est fini de toi ? » siffla Dvergar, un concentré de haine pure emplissant son regard.
Max, qui s'était relevé, s'élança sur lui, muni de son bâton. Le perfide Xélor sourit d'un air sûr de lui et en l'espace d'une seconde, tout fut ralenti alentours. Même le nuage de poussière soulevé par son adversaire semblait figé en suspension dans les airs. Le silence régnait, inquiétant, comme le calme qui annonce la tempête... Mais soudain, à sa plus grande surprise, le Féca disparut. C'est alors qu'il reçut un énorme coup dans le diaphragme, lui coupant la respiration. Il s'était téléporté ! Impossible ! Dvergar n'arrivait pas à le croire, quand il vit une fine mais puissante brume de gouttelettes d'eau envelopper Max. Comment ? Comment avait-il eu le temps ?? Il esquiva une deuxième attaque mais reçut la troisième. Que lui arrivait-il ? Il fallait qu'il se reprenne. Immédiatement !
« Je vois à ton visage que tu es surpris... Je me trompe ? dit son jeune opposant d'un air narquois. Vois-tu, il n'y a pas que toi qui peut jouer avec les actions des gens...
C'est impossible !!!! hurla le Xélor de rage. Le seul moyen aurait été... »
Tout-à-coup, un éclair de compréhension illumina son visage.
« Tu ne croyais pas Oto Mustam aussi lâche quand-même ? Ou peut-être que si... ! » Max Ouelle jubilait. Son plan marchait. « J'ai utilisé le seul point faible que tu aies, Dvergar. Ton orgueil ! Tu es tellement prévisible lorsqu'on connaît ta perversion... J'ai fait en sorte que tu te téléportes prêt de moi. Oto m'a aidé à faire diversion et tu étais tellement occupé à exercer ta vilenie sur lui que tu n'as pas remarqué que je posais un glyphe de silence juste sous tes pieds. Tel est pris qui croyait prendre... Tu n'as bien sûr pas été affecté très longtemps : pas assez pour que tu t'en rendes compte mais suffisamment pour que je lance mon armure... »
Ç'en était trop pour le mage noir qui se lança alors sur lui, tenant fermement son marteau, prêt à pulvériser l'insolent.
S'en suivit un duel surréel. Dans cette bulle intemporelle où rien n'avait de prise, deux guerriers s'affrontaient, apparaissant, disparaissant, puis réapparaissant plus loin, tantôt freinés, tantôt accélérés dans leurs mouvements. Telle une symphonie jouée par un orchestre dont le chef serait pris de syncope, le combat se déroulait à la vue de Sénécia et d'autres se trouvant non loin, paralysés, impuissants.
Le ballet macabre aurait pu durer ainsi éternellement... mais le jeune Féca savait ce qu'il avait à faire. Pour le bien de tous, il allait en finir. C'est alors qu'il lança son attaque la plus puissante. La protection aveuglante de Dvergar commençait à faiblir et comme il s'y attendait, le Xélor contra... mais pas suffisamment. Toute la zone se couvrit d'un éclat incandescent et soudain...
Le temps reprit son cours. La vie recommença sa course, la nature se remit tout doucement en mouvement et le soleil inonda la scène de sa lumière la plus vive.
En cette fraîche matinée qui débutait enfin après deux jours de lutte acharnée, un Féca venait de se sacrifier pour soustraire le pire Xélor que le monde eut connu.
 
Chazuro arriva sur les lieux tandis qu'Oto Mustam se relevait difficilement. Dvergar gisait sur le sol, sans vie, un bras arraché. Le jeune Max Ouelle était lui aussi étendu non loin de là. Mort également.
« Que s'est-il passé ? demanda Chaz'.
Ce Bontarien s'est sacrifié pour tuer Dvergar ! Il l'a payé de sa vie mais il m'a sauvé. Il nous a tous sauvés. » La perplexité se lisait sur les visages des autres guerriers ayant assisté à la scène sans pouvoir agir. « Allez aide-moi à le porter, il a droit à tous les honneurs. »
Le Sacrieur souleva le Féca et le porta avec Oto jusqu'à un rassemblement d'hommes où se mêlaient anges et démons. La bataille avait pris fin. Les Sacre avaient réuni leurs troupes pour signifier que la paix était entérinée.
 
Chazuro et le chef des miliciens brâk déposèrent le corps du valeureux protecteur au centre de cette foule.
Le Sacrieur prit la parole :
« Encore une tombe à fleurir, un ange part dans un dernier soupir. Un Féca meurt dans un duel mais la paix est là, entendons son appel ! »
 
Un murmure s'éleva et après quelques instants de recueillement, Bontariens et Brâkmariens se séparèrent et partirent avec leurs blessés vers leurs villes respectives.
 
Quelques personnes s'étaient, elles, réunies autour d'Astrae et Chazuro. Akiox, Sénécia étaient là mais aussi Khrysalide et Jaken ainsi que le groupe d'Amakna composé de Xeroxx, Carbon, Chip's, Lagaf, Hapero, Trunks et Ninoxe.
Le Iop resta silencieux pendant que son bras droit répondait aux questions de tout le monde. Puis il prit enfin la parole.
« Vous m'avez tous aidé depuis mon départ de Brâkmar. Je vous en remercie. Comme vous l'a dit Chazuro, nous sommes tous les deux investis d'une mission. J'ai retrouvé ma mémoire et j'ai surtout redécouvert mes racines. Je vais vous proposer une chose. Je ne le ferai qu'une fois. Votre décision sera définitive. Quand je traverserai ce Zaap en direction de Frigost, que ceux qui le veulent me suivent. Les autres, je ne vous en voudrai pas, c'est une décision difficile. Chazuro fermera la marche. »
 
Astrae se dirigea d'un pas décidé vers le Zaap et le traversa sans un regard en arrière. Après un moment d'hésitation et de discussions, Khrysalide, Carbon, Chip's et Xeroxx lui emboîtèrent le pas. Hapero, Lagaf, Trunks et Ninoxe ne tardèrent pas à les rejoindre. Jaken regarda le Sacrieur pour savoir s'il faisait le bon choix et devant le regard plein de confiance de son ancien subordonné, s'enfonça à son tour dans l'anneau bleu. Akiox s'approcha de Chazuro.
« Ce n'est pas l'envie qui m'en manque, mais ma famille ne comprendrait pas... et puis le climat de Pandala ira beaucoup mieux à mes vieux os que le froid légendaire de Frigost.
Ne t'inquiète pas, mon ami. Tu seras toujours le bienvenu même si ce grand Iop est un peu ronchon. »
Akiox salua le Sacrieur, regarda Sénécia qui paraissait ailleurs puis partit en compagnie des quelques Pandas encore vivants.
Chazuro s'approcha de la Pandalette.
« Tu m'accompagnes ? demanda-t-il, plein d'espoir.
Je ne pense pas, non...
Pourquoi ?
Réfléchis, qu'a été ma vie jusque-là ? La mort, la destruction, l'horreur, la guerre, rien de très bon pour une jeune fille comme moi, non ?
Ne dis pas de bêtises...
Non, c'est la vérité. J'ai besoin de calme, de repos. Va rejoindre tes amis et laisse-moi. Après tant de temps à vadrouiller, il est temps que je me pose un peu.
Tu en es sûre ?
Oui, passe ce Zaap. »
 
Chazuro regarda Sénécia dans les yeux et y lut toute la détermination de la jeune guerrière. Il partit alors, avec un soupir, vers le Zaap qui reprit une couleur normale aussitôt qu'il l'eut passé.
 
Sénécia prit le chemin de Pandala, les yeux pleins de larmes.
 
Epilogue :
 
 
Un nouveau clan Frozen Tears se forma ainsi sur l'île de Frigost... Les années passèrent et ils demeurèrent jusqu'à ce jour, plus unis que jamais.
Son meneur, Astrae, veille toujours au respect d'anciennes traditions et à l'équilibre précaire du monde des Douzes. Chazuro, le grand Sacrieur, en est le bras droit et dirige les actions militaires et le recrutement. Il est d'ailleurs à noter que Taiky et Prospec ont rapidement rejoint le château des glaces.
Khrysalide, quant à elle, trésorière de cette guilde, est devenue un élément essentiel, canalisant les énergies de ses comparses tous plus givrés les uns que les autres. Il paraîtrait même qu'une idylle soit née entre Astrae et elle...
 
Frigost n'est ainsi plus une simple légende que l'on raconte aux petits Crâ avant de dormir, mais désormais, aux yeux de tous, une île bien réelle, visitée par nombre de voyageurs et explorateurs en quête de sensations fortes. Les Frozens défendent bien sûr leur territoire avec un courage sans faille ainsi qu'une intelligence et des techniques de survie que peu d'entre nous peuvent égaler.
 
De l'autre côté du monde, sur une île où la douceur du climat y est constante, une jeune Pandalette coule une vie paisible au milieu des siens et va souvent sur l'île de Grobe pour tenter de rattraper le temps perdu avec un fantôme des plus redoutables...
 
Si un jour, vous voyez un loup blanc, suivez-le. Il vous amènera sûrement auprès d'un grand Sapik et c'est alors qu'une seule question méritera toute votre attention :
 
Êtes-vous prêt à faire ce dernier pas vers le côté glacé du monde des Douzes ?